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rivaux lui avaient imposée. On accepta du Pape ce qu’on n’avait point voulu recevoir de l’Empereur. Pie VII ne s’installa point seulement, au Quirinal, dans les meubles de Napoléon, — car le destin gardait à cette aventure cet ironique épilogue, — il adoptait et faisait siens beaucoup des principes qui, durant quatre ans, avaient inspiré l’administration « usurpatrice. » Quant aux travaux accomplis durant ces quatre années par les Français, ils restaient, témoins qui parlaient haut. Pie VII plaçait en vain au fronton du Pincio ses armes et l’inscription pompeuse qu’on y lit ; c’était la signature du baron de Tournon qu’y voulaient voir les esprits avertis. Et c’était le souvenir des Français qu’évoquaient les savans contemplant les colonnes qui, entre le Capitole et le Colisée, se dressaient le long du Forum Romain et songeant au temps où, dégradant les derniers monumens à moitié enfouis, les bestiaux foulaient le Campo Vaccino.


Certes ces agens de César n’avaient point réalisé l’œuvre à laquelle ils s’étaient crus spécialement conviés par leur maître : ils n’avaient, à aucun moment, « réveillé le Romain. » Nous avons dit pourquoi ils ne le pouvaient réveiller et de quelle inféconde illusion était faite leur politique. Opposant sans cesse au Romain qu’ils voyaient et méprisaient, le Romain que Corneille et Montesquieu leur avaient fait connaître et admirer, ils avaient froissé un autre peuple romain qu’ils ignoraient, et ils avaient conçu de l’échec de leur tentative une irritation qui, somme toute, était injustifiée, fruit d’une déception qui était fatale.

Ils n’avaient point réveillé l’ancien Romain dans le moderne : ils n’en avaient point fait non plus à aucun moment, à aucun degré, un Français. C’était une bien plus grave erreur encore qui avait ici guidé nos compatriotes. Ils avaient gouverné en Français de tous les temps, avec la mentalité de leur pays et, par surcroît, la fatuité de leur génération. Ils avaient entendu faire de Rome une préfecture française, oublieux du fameux conseil dicté par l’expérience : « Vis-tu à Rome ? vis à la mode romaine. » Ils avaient été centralisateurs et niveleurs, ou tout au moins, de Paris, on avait exigé qu’ils le fussent. Daru se désolant de ce que les horloges de Rome ne sonnassent point à la française, représente par ce petit trait toute une mentalité. Et le pis est que faute d’avoir pensé avec leurs nouveaux sujets que « le temps est galant, — il tempo e galantuomo, » — ils avaient