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Le mobilier funèbre est ici au complet. Près des lampes, je reconnais les fioles de verre bleuâtre, où l’on conservait les cendres recueillies sur le bûcher mortuaire. Il y a aussi des buires posées sur des soucoupes rondes, de menus flacons à la base ovoïde, qui ressemblent à des bananes et dont les cols très effilés se recourbent comme des tiges de fleurs. Notre art moderne n’a rien inventé de plus capricieux, de plus flexible, ni de plus mignonnement fragile. Ces verreries, contemporaines des guerres médiques, ont gardé de leur long séjour dans la terre une patine d’une délicatesse invraisemblable. Toute une chimie secrète a recuit les teintes primitives du verre, amalgamé les couleurs, dessiné sur les frêles parois des figures chimériques de bêtes ou de végétaux. Les bleus métalliques, les roses de chair, les lilas et les mauves se nuancent de verts oxydés, de nacres laiteuses, où s’étirent, parmi des filets d’or, d’étranges palmes d’un rouge de feu, qui s’évanouissent dans des vapeurs d’argent. Certains semblent couverts de givre, comme les vitres fleuries par les gelées d’hiver, enduits de filamens visqueux et luisans comme des baves de limaçons, ou enveloppés de toiles d’araignées, que la rosée emperle de ses gouttes scintillantes. Ce sont les tons insaisissables, les lueurs éblouissantes des couchans et des aurores ; et c’est toute la fraîcheur des verdures embuées de brumes matinales, qui s’est déposée sur les panses irisées de ces vases millénaires !…

Plus tranchées et plus crues éclatent les colorations des poteries : kylix, alabastres, rhintons, ariballes, lécythes et patères, — ustensiles fabriqués à Corinthe, en Sicile, dans les villes campaniennes ! Sur tous, les mêmes silhouettes rudimentaires, les mêmes rouges et les mêmes noirs, des noirs de suie, des rouges clairs, comme ceux des vieilles briques, ou brunâtres comme des taches de sang desséché. Mais voici des vitrines pleines de bijoux et de statuettes d’argile, dont les teintes amorties sont une volupté pour les yeux. On y retrouve les roses et les bleus effacés, les éclaboussures d’or qui ont laissé leur trace presque imperceptible sur les draperies des Tanagra. Çà et là, les perles des colliers, les chatons des bagues sigillaires, les scarabées d’émail, les boules en pâte de verre, les sphères et les