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l’éducation qui convient à son âge et aux devoirs auxquels il est destiné. A quinze ans, les toupa sont admis parmi les tohbas qui composent la classe la plus inférieure de l’ordre religieux. Quand ils ont atteint l’âge de vingt-quatre ans, on leur fait subir un examen rigoureux ; et, si on les juge suffisamment instruits, on les élève au grade de gylongs ou moines. Ceux qui ont de grands talens ou du crédit sont mis à la tête de quelque riche monastère. Dès qu’un gylong occupe une de ces places, il est décoré du titre de lama, et tous les gylongs du monastère lui doivent obéissance.

Les koubilgans sont aussi hiérarchisés entre eux, suivant le degré de sainteté des personnages qu’ils incarnent ; il y a les incarnations de second rang et les grandes incarnations. On compte soixante-dix incarnations des disciples de Bouddha au Thibet, soixante-seize en Mongolie, et quatorze dans les environs de Pékin[1]. Les grandes incarnations sont au nombre de six : le Grand-Lama d’Ourga, en Mongolie, celui de Pékin, celui du Sikkim, la grande abbesse ou « diamant » d’Yamdock, près de Lhassa, qui est une incarnation féminine, le Grand-Lama de Tashi-lumbo et le Grand-Lama de Lhassa, ces deux derniers considérés comme bien supérieurs aux autres en dignité spirituelle. Ces deux grands-lamas sont les deux têtes de la hiérarchie monacale de l’église jaune bouddhiste : ce sont, « les deux faces de Dieu. »

Le dalaï-lama n’est pas en effet, comme on l’a cru généralement en Europe, le chef unique et suprême du lamaïsme. Frappés de l’étendue du territoire soumis directement au dalaï-lama, territoire qui comprend la presque-totalité du Thibet avec une population de 1 500 000 âmes dont 300 000 moines, les voyageurs de l’Occident ont cru que le grand-lama de Lhassa était, en même temps que le souverain temporel, le pontife suprême de la religion lamaïque au Thibet, et plusieurs, le comparant au pontife romain, l’ont appelé le Pape bouddhique. Mot qui a fait fortune, mais qui ne correspond point à la réalité des faits. Il est à remarquer tout d’abord que le clergé thibétain ne forme point comme le clergé romain un corps un et indivisible ; ce clergé est divisé en plusieurs ordres monastiques différens, qui ont chacun leur hiérarchie spéciale, leur général propre et

  1. Grenard, Le Thibet, p. 343.