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citoyens auraient légalement le droit de s’opposer à l’exécution des mesures arrêtées, et que lui-même s’y opposerait, comme c’était son devoir… Avocats, caste indécrottable ! »

Si je n’avais été de tout temps l’adversaire des idées de fédéralisme et d’autonomie communale qui hantaient les meneurs de la démocratie lyonnaise, j’en aurais été éloigné par le contact du gouvernement local. J’estimais d’ailleurs que les nécessités de la défense nationale exigeaient plus que jamais un pouvoir fort et par conséquent centralisé.

C’est dans cet état d’esprit qu’à la séance de onze heures du soir, le 4 septembre, je proposais au Comité l’envoi au nouveau gouvernement d’une dépêche ainsi conçue :

« La République a été proclamée ce matin à neuf heures à Lyon. Le Comité révolutionnaire a pris les mesures d’urgence et attend les instructions du gouvernement provisoire. »

Cette proposition déchaîna une tempête. Eh quoi ! le gouvernement issu de la révolution lyonnaise aurait à recevoir « les instructions » du gouvernement né de la révolution parisienne ? Et pourquoi l’un serait-il subordonné à l’autre ? Leurs origines n’étaient-elles pas les mêmes ? Se prévalant l’un et l’autre de l’acclamation populaire, n’avaient-ils pas les mêmes droits ? Il fallut remplacer « les instructions » par « les communications » et ajouter « de Paris » aux mots « gouvernement provisoire, » pour mieux marquer l’indépendance du gouvernement de Lyon.

Le Comité siégeait en permanence ; il suspendit sa séance à trois heures du matin.

Le lendemain 5 septembre à neuf heures, la séance était re-reprise ; lecture était donnée de plusieurs dépêches de Paris annonçant la composition définitive du gouvernement provisoire et l’envoi à Lyon du citoyen Challemel-Lacour comme préfet du Rhône.

Ce fut un beau tapage qui accueillit cette dernière nouvelle. Il y aurait donc encore des préfets ? Pourquoi pas des chambellans ? Les représentans de la ville qui la première avait proclamé la République allaient-ils s’effacer devant un fonctionnaire pour le choix duquel ils n’avaient même pas été consultés ? Et qui leur était imposé, par quelle autorité ? Par un gouvernement exclusivement composé de députés de Paris, un comité de bourgeois, où le nom de Rochefort était le seul gage donné au parti révolutionnaire !