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pourrons faire exécuter ; que nous empiétons sur le pouvoir central et que nous créons une dualité funeste. » Mais j’avais compté sans la superbe assurance du citoyen Grinand qui répondait : « Des lois ! Y en a-t-il ? N’y a-t-il pas eu une révolution ? »

Le citoyen Chapitet, venant en aide au précédent orateur, invitait ses collègues à donner aux autres communes de la République l’exemple des audacieuses initiatives.

Le Comité offrit d’abord à la Presse un témoignage de sympathie en votant la suppression des annonces judiciaires. Mais troublé dans la contemplation des principes par les attaques des journaux conservateurs, il se demanda si la liberté de la presse, excellente pour combattre les régimes monarchiques, ne devait pas être tenue en laisse et muselée, comme dangereuse, dans l’État républicain.

Il eut le sang-froid de résister aux suggestions de l’amour-propre blessé et se borna à de sévères censures contre les journalistes d’opposition. Le 16 septembre, c’était la Décentralisation et son rédacteur en chef, Charles Garnier, qui étaient « vigoureusement blâmés » pour un article relatif à la convocation d’une Convention nationale devant se prononcer sur la forme définitive du gouvernement de la France. Le 11 septembre, le citoyen Vaille demandait l’arrestation de tous les rédacteurs du Salut Public et du Courtier de Lyon. Mais le Comité, faisant appel « à l’indignation des honnêtes gens, » se bornait à envoyer à ces deux journaux une lettre peu mesurée, où on pouvait lire : « Nous balayons l’ordure du passé. Devriez-vous survivre ? »

Les arrestations continuaient et terrorisaient la ville. Tantôt elles émanaient du Comité de Sûreté générale et de son chef Timon ; tantôt elles étaient ordonnées par une fraction du Comité de Salut public, la sous-commission des intérêts publics ; souvent elles étaient l’œuvre de quelques gardes nationaux, sans autre mandat que celui qu’ils tenaient de leur civisme, et c’étaient les plus nombreuses, ceux-ci voyant partout des Prussiens, des espions et des traîtres.

La circulation n’était pas libre ; on arrêtait aux portes de la ville les citoyens suspects de vouloir se soustraire au service militaire et les biens soupçonnés de se dérober à l’impôt et à l’emprunt forcé.

Ces attentats contre la liberté n’avaient pas toujours le caractère dramatique que nous avons rencontré dans les