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magazines ; « on traduit pour elle une Histoire des germes du féminisme au Japon ; un essai sur l’Ame féminine, un autre sur le droit qu’a la femme de choisir son mari viennent de paraître à Chang-hai. » Sans doute la grande masse des femmes n’est pas encore atteinte par l’enivrement des idées libérales ; mais le ferment d’émancipation, venu d’Europe et vulgarisé par le Japon, a été jeté dans la pâte sociale ; l’antique organisation de la famille, qui faisait la force et la stabilité du vieil Empire, est ébranlée ; la Chine, malgré ses répugnances, a laissé pénétrer dans sa masse des élémens hétérogènes et dissolvans ; elle va entrer dans une série de révolutions sociales.

Les idées nouvelles, semées dans des cerveaux mal préparés à les recevoir et à en faire la critique, les ouvrages européens traduits un peu au hasard sans distinction de pays ou d’époque, transposés de l’anglais en japonais et du japonais en chinois, devaient fatalement engendrer un mélange confus de doctrines révolutionnaires et de théories anarchiques. Nos philosophes du XVIIIe siècle, Montesquieu et Rousseau, forment, dans ces esprits disposés à tout accepter en bloc, une bizarre mixture avec les philosophes anglais du XIXe siècle, Stuart Mill et. Spencer, et les vieux classiques chinois. Une Vie de Napoléon Ier obtient un vif succès. Cette jeunesse élevée au Japon est à la fois révolutionnaire et « nationaliste ; » elle réclame les réformes les plus radicales et prêche la lutte contre les étrangers. Dans toute la Chine, la Presse, arme nouvelle, est aux mains de cette élite japonisée ; les directeurs de journaux sont généralement des Japonais qui profitent des privilèges de l’exterritorialité pour se livrer aux plus violentes attaques contre les abus du gouvernement et contre la dynastie elle-même ; dans toutes les préfectures, il y a aujourd’hui un journal qui prône les réformes et commente avec enthousiasme les succès et les vertus des Nippons ; à Fou-tcheou, le Min-Pao tire à 2 000 exemplaires et a au moins 6 000 lecteurs. À Tchoun-king, au fond du Se-tchouen, un journal commente les défaites russes et excite l’opinion contre tous les étrangers. Les consuls japonais surveillent la presse : le Sin-Min-Pao, dernièrement, n’ayant pas parlé du Japon en termes assez agréables, le consul porta plainte contre un des rédacteurs ! On sait tout le bruit qu’a fait l’année dernière à Chang-hai l’affaire du Sou-Pao, dont les rédacteurs étaient poursuivis pour attaques contre l’Impératrice ; l’un d’eux déclara