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plus nombreux est impuissant à imposer sa volonté à l’autre. »

À cette révolution par persuasion il n’a du reste pas manqué non plus de ne pas persuader le roi déchu, ni de ne pouvoir faire accepter, comme gouvernement régulier, le gouvernement provisoire installé révolutionnairement, bien que composé des mêmes hommes qui, la veille encore, formaient le gouvernement royal. M. Bjœrstjerne-Bjœrnson, à qui, — nul en Europe ne peut l'ignorer, — la littérature ne suffit pas, et à qui la politique de son propre pays n’est pas plus étrangère que celle du nôtre, avait annoncé l’intention qu’aurait la Norvège d’envoyer sans délai aux puissances des missions chargées de leur demander de reconnaître son indépendance. Ces « missions spéciales » se sont-elles mises en route[1] ? Peu importe, mais la Norvège est, à travers la Suède même, le Danemark, et, s’il le faut, jusqu’en Allemagne ou en Angleterre, à la recherche d’un nouveau roi, en attendant que M. Bjœrnstjerne-Bjœrnson l’ait convaincue que le meilleur des princes serait une république, dont il se réserve sans doute de lui indiquer, l’heure venue, le président.

Cela se passait vers le 10 juin. Immédiatement, le roi Oscar saisissait le Storthing norvégien, par l’entremise de M. Berner, d’une longue protestation, ou, pour dire le vrai, d’une longue consultation politico-juridique, plus juridique que politique, docte et mesurée à en rendre jaloux les maîtres les plus réputés des universités d’Upsal ou de Lund. Droit de veto du roi de Norvège, étendue et limite de ce droit ; nécessité ou non, pour la validité constitutionnelle d’un acte royal, du contreseing d’un des ministres d’État ; considérations sur la nature et les conséquences d’une royauté double, et plus que double, « unionnelle » ou commune ; sur chaque article, comparaison et application du point de droit au point de fait : d’une part, refus par le Roi de sanctionner la décision du Storthing établissant un service consulaire séparé pour la Norvège ; d’autre part, refus par le Conseil des ministres norvégien de contresigner cette décision royale ; citations, objections, réfutations d’objections ; telle est en résumé cette lettre d’Oscar II, qui occupe une colonne en petit texte du journal le Temps, et où ce qui fait le plus défaut, ce qui est le plus rare, — à s’exprimer en toute révérence, — ce sont peut-être des paroles de roi. Il n’en apparaît guère qu’à

  1. D’après des nouvelles récentes, la Norvège aurait du moins sondé les États-Unis, qui auraient ajourné leur réponse.