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étudiantes, une bibliothèque, d’autres réunions d’études en commun, offrent à ces jeunes filles des avantages variés. Elles sont heureuses et gaies. Elles aiment leur travail et s’y donnent avec cœur, on est frappé par leur entrain, leur amour de la science et du bien de l’humanité, leur vrai désir d’arriver au but : elles en prennent les moyens. Et cependant, cela ne va pas sans difficultés ; les obstacles sont grands : ils ont paru longtemps insurmontables. Dans ce pays à tendances libérales, où les femmes semblent revendiquer leur place avec le plus de succès, c’est là aussi qu’elles ont eu le plus de mal, peut-être, à l’obtenir dans l’art médical et presque dans la profession où leurs aptitudes spéciales eussent paru devoir se mieux exercer, à savoir tout ce qui concerne l’état de sage-femme. Ce n’est qu’en 1875 que la question même d’admettre ou non des femmes aux examens spéciaux fut abordée pour la première fois, et si peu favorablement accueillie par le corps médical enseignant que, sur un vote du Conseil du collège[1], autorisant trois femmes à se présenter à l’examen, tout le bureau des examinateurs démissionna d’ensemble. Pendant plus de dix-huit mois, aucun examen n’eut lieu.

On les reprit en 1877, et le gouvernement lui-même dut imposer sa volonté pour l’admission des femmes, laissant, pour seule fiche de consolation aux vaincus, des sanctions sévères à l’exercice illégal de la profession par les femmes. Pour un peu, il eût fallu au sexe faible user du stratagème de la doctoresse Agnodice dont les chroniques d’Athènes nous disent qu’ayant revêtu des habits d’homme, elle ne révélait sa réelle identité qu’à ses clientes ! Lorsqu’on la dénonça, elle dut son salut à la reconnaissance courageuse de celles qu’elle avait soignées.

Ceci date de vingt-cinq siècles. Or on en était encore là à Londres, il y a vingt-cinq ans ! Jusqu’en 1878, les soins spéciaux à donner aux femmes, partout ailleurs exercés par des femmes, étaient l’apanage exclusif du sexe masculin dans tout le Royaume-Uni. Et cependant, encore une fois, quelle fonction semble-t-elle mieux convenir aux aptitudes féminines ? Je dois ajouter que, depuis que le sexe faible a été admis à user de cette prérogative nouvelle, son succès a toujours été croissant.

Une brochure fort intéressante[2] traite la question et en

  1. Council of the College of surgeons.
  2. The study and practice of medicine by Women. — A Prize Essay, by Edith Huntley, 1886.