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farouche, intraitable ; frappez de vos coups les mieux assénés les bonnes volontés novatrices ; incarnez ce qu’il y a de plus respectable après tout dans l’éternel et nécessaire conflit des efforts humains : l’attachement à une idée. Restez vous-même ! mais permettez-moi d’être moi aussi attaché à une œuvre, et comprenez que si mon idéal n’est pas le vôtre, c’est un idéal quand même. Abstenez-vous de me rappeler que la mort n’est pas le plus grand des maux, et que la vie n’est pas le premier des biens. Dites plutôt que nous sommes résolus l’un et l’autre à tout sacrifier à notre idéal. Et c’est par là que nous servons, chacun dans un camp opposé, notre pays inséparable de notre temps.

D’ESTOURNELLES DE CONSTANT.


III

Les « Pacifistes » ne se plaindront pas, je l’espère, que nous leur ayons mesuré la place ni qu’en publiant leurs défenses nous ayons émoussé, — comme nous l’aurions pu, si nous l’avions voulu, — la pointe de leurs ironies. Mais une chose m’a étonné, qui est qu’étant si contens de l’article sur le Mensonge du Pacifisme, ils aient pris la peine, en ces jours caniculaires, d’y répondre si longuement. « Je serais bien difficile si je me plaignais, écrit le sénateur d’Estournelles ; votre article est un très bon signe ; il atteste notre vitalité… » Le sénateur n’a pas réfléchi que s’il y avait lieu dans la circonstance d’exercer son « droit de réponse, » l’expression, si sincère, de son contentement le lui aurait enlevé. Mais, comme il l’avoue ingénument, il n’a vu, dans la prolongation d’une polémique sur le pacifisme, qu’une excellente occasion de « réclame… » pour les pacifistes ; et moi, je suis si « bon enfant » que je n’ai pas voulu lui refuser le plaisir de faire ici le pompeux éloge du sénateur d’Estournelles. On vient de voir s’il en a profité !

C’est aussi qu’à mon tour, je serais « bien difficile » si je « me plaignais ; » et, — sans m’embarrasser de questions personnelles, dont la discussion amuserait peut-être la galerie, mais ne nous mènerait à rien, — j’ai d’abord plaisir à enregistrer les aveux de M. d’Estournelles et de M. Frédéric Passy. Voilà donc qui est désormais entendu ! Ni M. d’Estournelles, ni M. Frédéric Passy ne voudraient de « la paix à tout prix. » Ils sont pleins de respect, « pour le soldat qui accomplit honnêtement son devoir ; pour l’armée, qui est la France ; pour le drapeau, qui est le symbole de la patrie. » Ils protestent