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de M. Charles Benoist sur la question qui vient subitement de se poser entre la Suède et la Norvège. On y trouvera les détails les plus précis et les plus complets sur la crise suédo-norvégienne, et on en retirera l’impression, que nous avons d’ailleurs éprouvée dès le premier jour, que les origines de cette crise sont trop anciennes pour que le dénouement n’en soit pas irrémédiablement acquis. La Norvège restera séparée de la Suède ; elle constituera un État à part ; mais que sera-t-il, république ou monarchie, et, dans la seconde hypothèse qui est la plus vraisemblable, comment et à qui sera attribuée la couronne ? Le problème est délicat, et il peut encore se compliquer davantage. Quoique bien des choses soient changées en Europe depuis 1814, que les intérêts des puissances ne soient plus les mêmes et que leurs préventions de cette époque lointaine soient tombées ou modifiées, on ne peut pas oublier que la Norvège a été enlevée au Danemark parce qu’il nous avait été fidèle pendant toutes les guerres napoléoniennes, et donnée à la Suède parce que Bernadotte ne l’avait pas été. On ne voulait pas laisser plus longtemps les deux côtés, les deux portes des détroits entre les mêmes mains, celles des Danois, d’abord parce qu’on ne les jugeait pas sûres, ensuite parce qu’on trouvait des inconvéniens à ce que la garde du Sund fût confiée à une seule puissance, même petite. L’Angleterre, en particulier, s’y opposait vivement : elle se rappelait les difficultés qu’elle avait rencontrées dans l’indépendance et le courage du Danemark qui s’était fait le champion de la liberté des mers, et le canon de Nelson bombardant Copenhague résonnait encore à toutes les oreilles. Voilà pourquoi le Danemark a été privé de la Norvège : et ce n’est pas à nous, Français, de l’oublier. On parle aujourd’hui d’un prince danois pour recevoir la couronne vacante. Il serait téméraire, et en tout cas prématuré, de rechercher comment cette candidature serait accueillie par les diverses puissances, si elle venait définitivement à se poser. L’Angleterre n’aurait pas les mêmes raisons de s’en défier qu’autrefois, mais elle pourrait en avoir d’autres. Le Danemark est aujourd’hui encore plus petit qu’en 1814, et il est directement sous la main d’une très grande puissance qui n’existait encore qu’en germe au commencement du dernier siècle. Nous savons bien quelle part d’illusion initiale et de déception finale il y a dans les hypothèses établies sur les parentés royales ou impériales. Les influences familiales qu’on escompte au début ne tardent pas à faire place à celles qui résultent des seuls intérêts. Cependant les chancelleries ont conservé l’habitude de s’en préoccuper. La meilleure solution, sans