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clair ; il ne dédaigne pas, à l’occasion, le langage brillant. Voilà bien des qualités, et, sur plus d’un point, en effet, par la clairvoyance de ses remarques et la justesse de ses déductions, M. Bertaux a complété et éclairé l’œuvre de ses devanciers. La bienveillance et la reconnaissance qui ont accueilli son immense travail sont donc bien méritées. Son premier volume, le seul publié, nous conduit jusqu’au milieu du XIIIe siècle, avant l’arrivée de Charles d’Anjou. Son second, sur la période angevine, nous est promis dans un temps prochain. Nous voudrions, dès aujourd’hui, d’après les documens réunis dans le premier, non point présenter un tableau complet de l’évolution des arts durant cette période dans toute la région, mais dégager, au moins, les résultats acquis sur quelques-unes des questions les plus importantes pour l’histoire de l’imagination humaine. Quels furent, par exemple, le rôle et l’influence, dans l’Italie méridionale, entre le VIe et le XIIIe siècle, de la civilisation byzantine ? Quels ceux des ordres monastiques, basiliens et bénédictins ? Quels ceux des princes et rois normands aux XIe et XIIe siècles ? Quels ceux de l’empereur Frédéric II au XIIIe ? Ce sont les objets mêmes des quatre divisions du livre, et M. Bertaux, en s’adressant ces quatre demandes, nous fournit aussi presque tous les élémens des réponses.


II

Les arts, comme la littérature, dans l’Italie romaine, n’avaient été, le plus souvent, qu’une adaptation de l’œuvre admirable du génie hellénique, créateur et libre, aux besoins du génie latin, régulateur et utilitaire. Chacune de leurs évolutions avait été déterminée par quelque poussée orientale. Du Ier au IVe siècle de l’ère chrétienne, sous les Empereurs, durant la formation, patiente et héroïque, d’une foi et d’une imagination nouvelles, dans la nuit pieuse des Catacombes, la grande ville, à l’extérieur, bruyante et corrompue, devenait de plus en plus une Babel cosmopolite et polyglotte. Philosophes et rhéteurs, thaumaturges et visionnaires, artistes et baladins, affluant de la Grèce, de l’Asie Mineure, de l’Egypte, lavaient envahie et transformée. On s’habillait, on vivait, on pensait à leur mode. On parlait grec autant que latin. Les néophytes chrétiens prient en grec, leurs premiers artistes sont des Grecs.

Comment être surpris qu’au Midi, en ces provinces, plus