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il leur dit que, s’il eût voulu user de moyens violens, il n’avait pas besoin des hommes puisqu’il ne règne pas. Sera-ce l’homme sorti de la poussière dont le bras se croira nécessaire à l’œuvre du Très Haut ? Jésus-Christ a repoussé expressément ces moyens et il en a rendu raison en disant que ce n’était point à la façon des rois de ce monde qu’il voulait conquérir son royaume, mais qu’il devait l’établir par un principe invisible et surnaturel seul capable de conquérir les âmes. Regnum meum non est de hoc mundo. Et nous, qui sommes revêtus du sacerdoce, — que sommes-nous sinon les disciples du Christ ? Quelle est notre force si ce n’est la parole de Dieu ? Voilà cette épée à deux tranchans dont saint Paul dit qu’elle pénètre la moelle des os, et qu’elle arrive à la division de l’âme et de l’esprit, c’est là une arme toute-puissante comme l’est Dieu lui-même, mais c’est l’unique qui soit remise au sacerdoce.

D’un autre côté, qu’est-ce qu’une révolte ? Qu’est-ce donc sinon un ensemble de crimes et d’injustices ? Et celui qui fomente les rébellions n’est-il pas complice de tous les crimes et de tous les méfaits par cela même qu’il concourt à les causer ? Vous me dites qu’une région de bénédictions se trouve au-delà de cette mer d’iniquités et qu’il faut par cette raison se résigner à la traverser. Une pareille doctrine a-t-elle dans aucun temps été celle de l’Eglise ou celle de Jésus-Christ ? Le sera-t-elle jamais ? Je lis dans l’écrit de l’Apôtre : non sunt facienda mala ut eventant bona ; je trouve que tous les Pères, tous les écrivains ecclésiastiques et la conscience de tous les fidèles s’accordent à regarder le christianisme comme une doctrine d’une telle sainteté, qu’il ne permet pas le moindre péché, fût-ce pour sauver le monde entier ou vider l’enfer lui-même.

D’un autre côté, jamais l’Eglise n’a proscrit l’opinion que la Providence éternelle ne puisse tirer des biens éminens des révolutions. Je dirai même qu’il vous est enjoint d’adhérer à ce principe, car il n’y a aucun mal dans ce monde qui ne soit permis par Dieu dans la vue d’un plus grand bien. C’est par cette raison même que Jésus-Christ a dit : Oportet ut ventant scandala. Mais cela justifie-t-il celui qui les produit ou qui s’en rend l’auteur soit directement soit indirectement ? Væse autem, est-il ajouté, homini illi per quem scandalum venit. Il est positif et certain que tous les tyrans qui ont versé le sang des martyrs, tous les impies qui ont prêché sur la terre des doctrines d’iniquité, tous