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meil dure, plus le péril augmente, et plus l’inévitable réveil a des sursauts inquiétans. Lorsque la grève aura pris fin d’une manière ou d’une autre, ce sera le moment de faire hardiment les réformes nécessaires. Le comprendra-t-on ?


Chez nous, les Chambres viennent de reprendre leurs travaux : elles sont entrées dans ce qu’on appelle la session extraordinaire, bien qu’elle ait lieu tous les ans et que rien, dès lors, ne soit plus ordinaire. La session d’automne est consacrée à la discussion du budget ; c’est sa raison d’être ; mais il est devenu assez rare que le budget soit voté lorsqu’elle se termine à la fin de décembre, et cela parait devoir être d’autant plus difficile cette année que, les élections d’un tiers du Sénat ayant lieu au commencement de janvier, il faudra mettre le Parlement en vacances trois semaines auparavant. On fera ce qu’on pourra ! Il y aurait un intérêt d’autant plus grand à voter le budget en temps normal, que les premiers mois de 1906 verront une accumulation d’élections tout à fait exceptionnelle. Les échéances constitutionnelles l’ont voulu ainsi. On élira d’abord un tiers du Sénat, puis le président de la République, puis la Chambre des députés, et tout cela dans l’intervalle de quatre ou cinq mois. Une vraie fièvre électorale sévira sur le pays, avec des accès redoublés, qui laisseront peu de calme aux esprits, et n’offriront pas les meilleures conditions pour discuter un budget. Mais qui se préoccupe du budget ? Bien peu de personnes. Avouons que celui de 1906 n’est pas fait pour exciter l’enthousiasme. Il ne contient rien, sauf une augmentation notable des dépenses, et des recettes en partie fictives pour y faire équilibre. Mais n’est-ce pas l’habitude ? Le budget prochain diffère peu de ses devanciers ; c’est un budget d’attente comme eux ; on a pris le parti très sage de laisser en dehors de lui les réformes promises à la démocratie et qui ne sont pas encore réalisées, comme les retraites ouvrières. Il n’est donc pas impossible que ce budget sans intérêt soit expédié assez vite, et sans faire beaucoup parler de lui. L’attention est ailleurs. Elle est, au Palais-Bourbon, à la question politique par excellence, celle de savoir quel sera le sort du ministère, et, au Luxembourg, à la question plus grave encore, mais qu’il faut sans doute considérer comme déjà résolue, de la séparation de l’Église et de l’État.

Le ministère n’est peut-être pas en péril, mais il est menacé. Est-ce par les modérés qui pourraient à bon droit lui reprocher sa composition hétéroclite et ses faiblesses à l’égard d’un de ses membres,