Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
278
revue des deux mondes.

notre sort. Il y a de la paix à savoir son assujettissement et qu’on ignorera toujours les choses cachées.

Le νοῦς d’Anaxagore sensible au cœur, tangible aux yeux, à la main, c’est l’œuvre de Phidias.

Je ne m’étonne pas qu’après Marathon et Platées, il y ait eu chez les Athéniens un état d’esprit propre à se traduire dans une telle philosophie et à se satisfaire avec le Parthénon. C’est par le νοῦς, par l’intelligence et par l’âme, que les Grecs ont vaincu les masses barbares. Athènes est l’endroit où il y a le plus d’intelligence et d’âme, et dans Athènes, doivent dominer les hommes à qui il a été réparti le plus d’intelligence et d’âme.


Aristophane a poursuivi avec violence la doctrine d’Anaxagore. Il se permettait de plaisanter les dieux, mais il n’acceptait point qu’on revisât leurs titres. Il sentait bien qu’une innovation qui installait le νοῦς à la présidence de l’activité universelle, suggérait, en même temps que le dédain des institutions anciennes, un vague idéal de cosmopolitisme. Il ne se trompait pas ; ces idées sont contenues dans l’œuvre de Phidias et leur puissance continue d’agir ; nos humanistes tendent à croire qu’Athènes a fourni une raison universelle et qu’elle était personnifiée dans la cella vide de l’Acropole. Pourtant, si violent qu’Aristophane ait été contre Périclès et Euripide, il semble attendri par Phidias. Je crois qu’il fut sensible, lui, le grand combattant pour la paix, à cette beauté plastique dont la marque est l’impassible sérénité de l’âme. Qu’il est touchant sous ses voiles, le passage consacré par Aristophane à Phidias ! J’aime sur l’Acropole à me rappeler cette phrase obscure, mais si tendre, où le comique fait allusion à la grande guerre du Péloponèse : « Phidias finit mal ; la paix a disparu avec lui. » — « Elle était donc sa parente ? » — « Sans doute, elle l’était par sa beauté. »

On croit savoir que Phidias, après avoir fui d’Athènes, fut par la suite, à Élis, condamné à mort et torturé.


Me suis-je fait comprendre ? Je ne dis pas un seul instant que Phidias tailla des statues pour symboliser des idées. Je rappelle que, dans une élite, à cette époque, régnait une sensibilité qui fut satisfaite par l’enseignement d’Anaxagore ; que cet enseignement fut de grande action sur Périclès, Euripide, Archélaüs, Phidias, et leur valut des accusations d’impiété ; qu’il me donne