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LES ROQUEVILLARD

PREMIÈRE PARTIE

I. — LES VENDANGES

Du sommet du coteau, la voix de M. François Roquevillard descendit vers les vendangeuses qui, le long des vignes en pente, allégeaient les ceps de leurs grappes noires.

— Le soir tombe. Allons ! un dernier coup de collier.

C’était une voix bienveillante, mais autoritaire. Elle communiqua de l’agilité à tous les doigts, et courba les épaules des ouvrières qui flânaient. Avec bonne humeur, le maître ajouta :

— Le matin, elles sont plus légères que des alouettes, et l’après-midi, elles bavardent comme des pies.

Cette réflexion provoqua des rires unanimes :

— Oui, monsieur l’avocat.

On n’appelait jamais autrement le maître de la Vigie. La Vigie est un beau domaine, bois, champs et vignes, d’un seul tenant, situé à l’extrémité de la commune de Cognin, à trois ou quatre kilomètres de Chambéry. On y accède en suivant un chemin rural et en traversant un vieux pont jeté sur IHyère aux eaux basses. Il domine la route de Lyon qui, jadis, reliait la Savoie à la France à travers les roches taillées des Echelles. Son