Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et après Louis XIV, — mais le rapprochement et la réunion de ce qu’un grand pays, à un moment donné de son histoire, peut compter de « mérites » en tout genre, militaires, prélats, diplomates, magistrats, administrateurs, hommes de lettres, grandes dames ! Et, en effet, comment une telle réunion n’aurait-elle pas une tout autre expérience des réalités de la vie que le bon pédant qui n’a jamais, pour ainsi dire, mis le nez hors de son cabinet, ou du cabaret du Mouton Blanc ? Et comment cette expérience, en s’efforçant de s’exprimer, n’aurait-elle pas enrichi la langue des mots, des locutions et des tours les plus appropriés à la nature, à la diversité, à la complexité de son objet ? C’est par la Cour, ainsi définie, que le technique de la guerre, de l’administration, de la politique sont entrés dans l’usage de la langue. Mais, après cela, je ne fais aucune difficulté de reconnaître que, de Vaugelas à l’abbé d’Olivet, la Cour avait changé ; qu’elle était fort éloignée d’être, aux environs de 1750, la réunion des mérites en tout genre ; que, la plupart des courtisans « ne s’exerçant que sur des matières frivoles, » — l’observation est d’Helvétius, — leur juridiction sur la langue avait perdu son principal titre ; et que par conséquent, quel qu’il fût, l’usage de « la plus saine partie de la Cour, » qui n’en était plus alors que la moins corrompue, ne pouvait servir de modèle ni de règle à la bonne « façon de parler » ou « d’écrire. » C’était la Ville, désormais, et les Salons qui exerçaient ou qui prétendaient représenter, en matière de langue, l’autorité de l’usage.

Il ne restait donc plus, pour les contrepeser, — c’est un beau mot, que Pascal préférait à contre-balancer, — que « la plus saine partie des auteurs. » Sur quoi, naturellement, la discussion se rouvrait de plus belle, car, qui sont ces « bons auteurs ? » ces « auteurs sains ? » ceux dont les écrits pourront servir à la fois de modèles à leurs imitateurs, et de fondement ou de point d’appui aux règles de la grammaire ? On trouvera sur cette question d’intéressans détails dans le livre de M. François ; et il y en avait quelques-uns dans le livre de M. Cohin. Mais nous serions entraînés trop loin si nous voulions les suivre, et il nous suffira de constater que le travail des grammairiens sur cet article aboutit finalement à tirer de pair trois écrivains, qui sont Bossuet, Racine et Boileau. Encore les grammairiens ne semblent-ils connaître de Boileau que le Boileau « noble, » si je puis ainsi dire, le Boileau de l’Art Poétique et celui de ses