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Peut-être suffiront-ils à une comparaison, à laquelle je ne demande au surplus que de justifier le demi-silence que m’impose, à mon vif regret, sur l’industrie de la laine, la nécessité d’en finir, et, pour en finir, d’abréger, et, pour abréger, de passer. Mais si, pourtant, ils ne suffisaient pas, on voudrait bien alors se souvenir que cette industrie, dans ses parties essentielles, n’a en quelque sorte pas bougé, ou, si c’est trop dire, parce qu’enfin elle n’est pas plus que les autres restée inaccessible au progrès, du moins elle n’a subi ni transformations, ni modifications profondes depuis les observations qu’en ont faites et les descriptions qu’en ont données les Andrew Ure, les Villermé, les Audiganne. L’art de la laine aussi est un art ancien, de longtemps si rapproché de son point de perfection que le seul perfectionnement possible touchait non sa technique, mais la mécanique du métier ; ce perfectionnement réalisé, la conséquence ou le résultat en a été, d’une part, pour le fabricant, l’accroissement de la production, d’autre part, et surtout, pour l’ouvrier, la diminution de la peine. Les opérations sont aujourd’hui ce qu’elles étaient il y a un demi-siècle, et, en lisant soit le chapitre de la Philosophie des manufactures qui a pour titre : Nature et opérations d’une manufacture de laine, soit la section du Tableau de l’état physique et moral des ouvriers qui traite des ouvriers de l’industrie lainière[1], je revois atelier par atelier, sinon machine par machine, l’usine d’Elbeuf, un peu traditionnelle et familiale, il est vrai, que l’on me fît visiter voilà quatre ou cinq ans. Mais l’opérateur, lui, qui est l’homme que nous cherchons, l’ouvrier, n’est plus ce qu’il était, il n’est plus comme il était : il est mieux.

Je n’ai pas constaté là, et nulle part on ne constaterait plus, les mauvais traitemens que, suivant Andrew Ure, le boudineur, dans les factories, exerçait couramment sur ses appiéceurs. « Il est d’usage que le boudineur soit pourvu d’une longe de cuir ; et si ses jeunes apprentis laissent manquer les bouts, ou

  1. Philosophie des manufactures ou Économie industrielle de la fabrication du coton, de la laine, du lin et de la soie, avec la description des diverses machines employées dans les ateliers anglais, par Andrew Ure, D. M., membre de la Société royale, etc., traduit sous les yeux de l’auteur, 2 vol. in-16. Paris, L. Mathias (Augustin), 1836 ; — Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, ouvrage entrepris par ordre et sous les auspices de l’Académie des sciences morales et politiques, par M. Villermé, membre de cette Académie, 2 vol. in-8o ; J. Renouard. 1840.