Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/515

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

causes intimes et profondes. Elles résultent de la situation même des peuples vis-à-vis les uns des autres. Il y a des raisons qu’on pourrait appeler physiologiques qui amènent entre eux des conflits et des guerres. C’est à une rapide étude de ces phénomènes, ainsi qu’aux moyens d’en atténuer les effets, que sont destinées ces quelques pages.


Il est presque inutile de rappeler que les rapports entre les États civilisés sont réglés par des actes internationaux (traités, conventions, arrangemens, déclarations, protocoles, etc.), qui déterminent leurs droits et obligations réciproques et servent de base à ce qu’on appelle le droit public européen, — une espèce de constitution de la famille des États civilisés. Ces actes internationaux sont généralement le résultat d’ententes amiables, mais les principaux d’entre eux, ceux qui définissent la position politique des États, ont plutôt pour origine des guerres, à la suite desquelles la situation respective des États se modifie. Les principes découlant de ces actes, ou leur servant de base, constituent le « droit » que l’on invoque ensuite comme règle directrice dans les différends qui surgissent entre les États en temps de paix. Mais ce droit lui-même n’est point un principe abstrait, fixe, précédant ou dirigeant les arrangemens conclus entre les États. Il en découle, il en est la conséquence et ne constitue que la formule de l’équilibre, amené par la guerre, des forces qui se sont trouvées en conflit. On doit donc bien admettre, sinon que la force prime le droit, au moins qu’elle le précède et que ce dernier en émane.

L’idée même de ce droit change avec les progrès de la civilisation et la nature des rapports qui s’établissent entre les sociétés humaines. Il y a peu de siècles, des provinces étaient données en dot à des princesses ; leur possession par le nouveau maître constituait un « droit » incontestable ; et lorsque les sujets ainsi cédés protestaient contre le sort qui leur était fait, on les traitait de rebelles. C’est ce que l’on n’admet plus de nos jours. Un droit nouveau s’est substitué à l’ancien. Et, tout récemment les habitans des Philippines et de la Havane qui s’étaient soulevés contre la domination espagnole, à laquelle ils devaient cependant tout ce qu’ils ont de civilisation, ont trouvé d’éminens protecteurs parmi les grandes puissances ; et, pour n’avoir pas été absolument désintéressées, les sympathies qu’on leur a témoignées