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nécessité pour eux dans certaines circonstances de recourir à la force, serait illusoire.

Assurément il est toujours possible, même indispensable de chercher à écarter les petites difficultés, sources souvent insignifiantes de froissemens sensibles qui laissent des traces fâcheuses dans les dispositions réciproques des nations, — et c’est à quoi ont tendu les efforts de la Conférence de La Haye. Après cela, pour le maintien de l’équilibre politique tel qu’il a été défini plus haut, il faut des organes convenables et consciencieux ; et c’est là le rôle important de la diplomatie. Loin d’être un rouage superflu, considéré à tort comme un artifice, ainsi qu’on a tâché de l’insinuer quelquefois, la diplomatie est un organe essentiel et indispensable des rapports internationaux, et les diplomates sont bien les vrais gardiens de la paix. C’est à eux qu’incombe, dans la conception idéale de leur mission, la tâche de bien peser les vraies ressources, la vraie valeur du pays qu’ils représentent, et de chercher à lui procurer eu rapport avec elles la place et l’influence auxquelles il a droit. Ce travail demande de la science, du dévouement, de l’habileté, mais exige aussi, pour être rempli comme il doit l’être, une grande honnêteté et sincérité. Le temps est passé où, par des artifices de langage ou des réserves mentales, on pouvait acquérir plus qu’il n’avait été concédé, ou, comme on dit en langage vulgaire, mettre dedans son partenaire. Tout se sait et se découvre tôt ou tard dans le siècle où nous vivons, et c’est rendre un mauvais service à son gouvernement et à son pays que de vouloir, par des voies malhonnêtes ou illégales, lui acquérir plus d’influence que ne comporte sa valeur réelle. Un pareil succès éphémère peut coûter cher lorsque l’évidence en aura fait justice, car, au lieu de procurer un avantage à sa patrie, on risque de l’exposer à une humiliation ou à une guerre.

Si donc les diplomaties des différens États étaient sincèrement inspirées de l’élévation de leur mission pacifique, si elles cherchaient réellement à éviter des bouleversemens d’équilibre trop brusques amenant à leur suite des guerres, leur préoccupation serait non pas de gagner par des empiétemens le plus d’avantages possible, mais de se borner à bien mettre en lumière la vraie valeur et les intérêts de leur propre pays, tout en tenant compte, — et c’est essentiel, — de ceux des autres, et en respectant leurs droits légitimes. Ici, ce ne sont pas des