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faite à quelques précurseurs isolés, tels que le capitaine Coles en Angleterre, et aux auteurs français des batteries flottantes qui détruisirent Kinburn.

Dupuy de Lomé, partant de l’excellent vaisseau à hélice qu’il avait créé, trouva le poids nécessaire à son armure dans la suppression de sa batterie haute, murailles et artillerie, et dans la réduction de sa mâture. Les frégates cuirassées, dont la première fut la Gloire, portaient une cuirasse complète, nécessaire pour les protéger, à la flottaison contre les voies d’eau, dans les hauts contre l’incendie. Elles ont été de bons navires de guerre, aptes à croiser comme à combattre, en même temps que des merveilles de simplicité.

Ericson créa son Monitor tout d’une pièce, en donnant au problème de l’allégement sa solution radicale, par la suppression complète des hauts des navires. Insoucieux du service de haute mer, il élimina franchement tout ce qui assure la marche mer debout et ce qui sert seulement à la vie du bord, au logement des hommes et à leur respiration en cours de route, ou autres futilités du même ordre.

Les cuirassés d’aujourd’hui ne ressemblent guère, ni à la Gloire, ni au Monitor. Tous les modèles cependant dérivent de l’un de ces deux types primitifs également rationnels, et dérivent même éventuellement de l’un et de l’autre à la fois, par une série de transformations exécutées, tantôt en conformité des règles de l’architecture navale, tantôt au mépris de ces mêmes règles.

La protection parfaite contre le canon, rêve du début de la cuirasse, était également réalisée, et sur la Gloire et sur le Monitor, lors de leur apparition. Elle existait encore et touchait à son terme, à l’époque du combat de Lissa, qui fut livré entre frégates du type Gloire. Elle devait rester le but aveuglément et obstinément poursuivi, après qu’elle avait cessé d’être réalisable.

Dès que le canon rayé, plus solidement construit et chemisé d’un métal plus dur, fut capable d’imprimer au boulet ogival d’acier plein la pauvre vitesse de cinq à six cents mètres par seconde, la cuirasse cessa d’assurer pratiquement la protection contre les calibres de canon voisins de sa propre épaisseur. Alors commença la lutte bien connue, où, de part et d’autre, on ne s’épuisa en grands efforts ni de science ni d’intelligence, et où la théorie du navire, en particulier, n’eut jamais rien à voir. Elle