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conduisant à la région inférieure du bâtiment, échelles, cheminées, canaux de ventilation, conduits de munitions, etc., étaient concentrés au milieu de la tranche cellulaire, sous l’abri d’une cuirasse intérieure supplémentaire entourée elle-même des soutes à charbon. Les parties vitales étaient ainsi bien garanties, à la fois contre l’entrée des projectiles et contre l’invasion de l’eau. La flottabilité et la stabilité, assurées par le caisson blindé qui émergeait seul de la mer, n’auraient pas été anéanties par un seul coup de perforation, bien que le cloisonnement fût rudimentaire. L’épaisseur de la cuirasse écartait le danger de la multiplicité des brèches. Le bâtiment présentait, comme engin de combat, des conditions de sécurité supérieures à celles dont on s’est parfois contenté trente ans plus tard. Au point de vue de la marche mer debout, du service des tourelles et de l’habitabilité en cours de route, le projet était riche en aléas ; on pouvait seulement invoquer l’exemple des monitors américains, pour conclure que sa réalisation ne rencontrait pas d’impossibilité absolue.

Si les propositions de 1870 ne passèrent point inaperçues, les événemens en détournèrent entièrement l’attention. Les années qui suivirent ne furent toutefois pas perdues, parce que la théorie du navire y subit une transformation complète, qui permit, comme conclusions, de donner aux bâtimens des proportions interdites par l’ancienne doctrine et précisément exigées par les nouveaux principes de puissance défensive. Art militaire et mécanique rationnelle se confondent souvent en marine. Nous tombons ici sur leur terrain commun, ce qui nous oblige à entrer dans quelques explications un peu abstraites, bien que très élémentaires, relatives aux lois du roulis, en rappelant tout d’abord qu’un navire grand rouleur est nécessairement mauvais canonnier.

En premier lieu, la grande stabilité des navires n’a point, comme conséquence obligée, celle de les faire rouler beaucoup, ainsi qu’on le croyait en 1870. La plus grande amplitude d’oscillation qui menace un bâtiment dépend surtout de la résistance offerte par sa carène au mouvement oscillatoire dans l’eau ; elle se combat par l’adoption de formes particulières ou, plus simplement, par l’emploi de quilles latérales ; elle est limitée, sur les monitors, par l’action du pont supérieur qui, en entrant dans l’eau dès que le navire s’incline, oppose un obstacle