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avec ses céréales, son bétail et ses aloès. Beaucoup de pays tropicaux, où cette condition, n’est pas réalisée, en souffrent gravement. Obligés d’acheter au dehors, non seulement les objets manufacturés, mais les alimens qui leur sont nécessaires, comptant pour les payer sur les revenus d’un petit nombre de cultures, comme la canne à sucre ou le café, ils sont jetés dans les plus graves embarras dès qu’il vient quelques mauvaises récoltes, ou que baisse le prix de leurs produits. Mais si les cultures vivrières sont les plus essentielles, parce qu’elles donnent, en tous cas, le plus nécessaire aux hommes, les autres n’en sont pas moins fort utiles. Un pays jeune a besoin d’exporter : la vente de ses produits au dehors lui permet non seulement de se procurer le superflu, d’acheter même certains articles manufacturés indispensables qu’il n’est pas en état de fabriquer, mais encore de se constituer des capitaux par l’épargne d’une portion des bénéfices réalisés, et de payer les intérêts de ceux qu’il est obligé d’emprunter s’il veut mettre en valeur ses richesses naturelles. Le Mexique est fort heureusement doté pour produire beaucoup d’articles d’exportation appartenant aussi bien au règne végétal qu’au règne minéral.

C’est encore un aloès qui lui fournit la plus importante de ces cultures d’exportation. Le « henequen, » agave saxi des naturalistes, croît spontanément, comme l’indique son nom latin, dans les terres les plus rocheuses du Yucatan. Apprécié des indigènes, mais longtemps dédaigné des Européens, il fournit une fibre qui supporte sans s’altérer les extrêmes de froid, et de chaleur, de sécheresse et d’humidité. On en fit d’abord des cordages, des sacs, puis des stores, des tapis ; mais c’est surtout depuis qu’on l’emploie à lier mécaniquement les gerbes de blé, que sa consommation a pris aux Etats-Unis un développement énorme. Les producteurs ont peine à satisfaire aux demandes ; l’exportation, qui n’était en 1880 que de 112 000 balles, dépasse maintenant 500 000 ; dans le même intervalle les prix ont monté de 9 à 30 centavos le kilogramme ; la valeur de l’exportation pour 1902-1903 est de 32 millions de piastres, 80 millions de francs. Devant ce succès, on essaye de tirer parti d’autres aloès : l’ixtle, le lechiguilla fournissent des fibres grossières dont on fabrique des sacs. Ces plantes qui nécessitent si peu de frais de culture peuvent être une ressource particulièrement précieuse pour les pays où la main-d’œuvre est rare et peu exercée.