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à un air, tout cela était vide, glacial, misérable, en un mot : français ; mais tous les chœurs sont bons, et même excellent. Aussi suis-je allé tous les jours à la chapelle royale, avec mon petit homme, pour entendre les chœurs dans les motets, que l’on y chante invariablement à chaque messe du Roi. La messe du Roi a lieu à une heure, sauf les jours de chasse, où elle a lieu à dix heures ; et la messe de la Reine, à midi et demie. » Marianne Mozart et un article de l’Avant-Coureur nous apprennent, en outre, que le petit Wolfgang lui-même a eu l’honneur de tenir l’orgue, à l’une de ces messes, en présence de la famille royale[1] ; mais à ce renseignement, pour précieux qu’il soit, nous préférerions quelques détails positifs sur l’espèce et la qualité de la musique française entendue là par le petit garçon. De véritables messes chantées, comme celles qu’il était accoutumé à entendre dans les églises allemandes, il n’en a assurément entendu aucune à Versailles, où, depuis longtemps, toute la musique des offices n’était plus constituée que de motets, entremêlés de concertos d’orgue. Et quant aux motets qu’il a pu entendre, je crains qu’il ne soit très difficile d’arriver à les connaître avec certitude[2]. Mais il convient d’ajouter, fort heureusement, que tous les motets d’alors étaient d’un type si uniforme, avec leurs alternatives de soli et chœurs, et que les compositeurs, presque toujours, y suivaient de si près les modèles que leur avaient fournis les La Lande et les Mondonville, qu’il nous suffira, prochainement, d’examiner quelques-uns de ces modèles pour nous représenter, sans trop de risque d’erreur, ce qu’ont dû être les chœurs entendus par Mozart à la chapelle royale : entendus avec une attention et un ravissement que nous laissent deviner les quelques lignes de la lettre de son père que j’ai citées tout à l’heure.

Ainsi l’enfant, chaque matin, entrait en contact avec l’art français des compositeurs de son temps ; puis, revenu dans sa chambre d’auberge, il continuait à se familiariser avec lui, en

  1. Pendant « une heure et demie, » nous dit l’Avant-Coureur. C’est là seulement que Louis XV aura entendu Mozart.
  2. Les deux sous-maîtres de chapelle de Versailles étaient : pour le semestre de juillet, le vieux Blanchard (1696-1170) ; pour le semestre de janvier, le jeune abbé Gauzargues, savant homme qui a publié, plus tard, un Traité de Composition assez original. Mais je n’ai pu découvrir aucun motet de Gauzargues ; et, quant à Blanchard, quatre gros recueils manuscrits de ses motets (à la Bibliothèque du Conservatoire) ne contiennent pas un seul ouvrage datant de 1763. Les motets de Blanchard sont, d’ailleurs, écrits exactement sur le modèle de ceux de La Lande, avec une singulière pauvreté d’invention et de style.