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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



30 novembre.


La discussion générale de la loi de séparation a été brillante au Sénat. Il faut savoir d’autant plus gré de leur effort aux divers orateurs qui y ont pris part, qu’ils en sentaient, ou plutôt qu’ils en savaient d’avance l’inutilité, au moins en ce qui concerne le résultat immédiat. Ils ont voulu seulement libérer leur conscience. Nous parlons bien entendu des orateurs opposés à la séparation : on nous permettra de ne pas attacher grande importance aux autres, c’est-à-dire aux représentans du gouvernement ou de la Commission. Si les premiers s’acquittaient d’un devoir, avec force, avec chaleur et avec éloquence, les seconds s’acquittaient d’une fonction, très nonchalamment. La victoire leur était acquise par avance ; ils n’avaient pas besoin de se fatiguer à sa poursuite. Jamais majorité n’a obéi plus docilement à un mot d’ordre. Le mot d’ordre consistait à voter la loi telle quelle, sans y changer un iota, en dépit des défauts que tout le monde y reconnaissait. La discussion, quelque intéressante qu’elle soit, n’est donc qu’une manifestation vaine. Une majorité de 80 voix environ repousse mécaniquement tous les amendemens, même les mieux fondés, et il n’est pas jusqu’à M. Clémenceau, si libre d’allures d’ordinaire, qui n’ait avoué mélancoliquement être « prisonnier de son parti. » On peut parler contre la loi, et il ne s’en est pas privé, mais à la condition de la voter ensuite. Le parti radical socialiste est assez sûr de sa discipline pour permettre à l’éloquence, même la plus caustique, de s’exercer contre le texte de la Chambre. Qu’importe ? Verba volant. Les mots ne sont que des mots, choses légères. Les votes restent seuls.

Il faut avoir un grand courage pour prendre part à une discussion