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derniers. C’est une singulière conception de la liberté ! Il semble, à entendre M. Clémenceau, qu’il n’y ait pas de liberté religieuse sans argent, et, dans l’espèce, sans l’argent des autres. Que M. Clémenceau se rassure : tout le monde est et demeure libre de former un schisme, et c’est là la vraie liberté : mais ce n’est pas la question. La question est de savoir, comme l’a dit M. Briand à la Chambre, si, en quittant la maison dont la porte reste ouverte à qui veut en sortir, on pourra en emporter les meubles. Il est piquant d’entendre M. Clémenceau invoquer le droit des « fidèles, » juste au moment où ils cessent de l’être, et où cette appellation ne leur convient plus. — Mais, dit-il, tout ce qui vit évolue ; il faut que l’Église catholique puisse évoluer. — C’est possible ; nous ne l’examinerons pas en ce moment ; mais, si l’Église catholique évolue, ce doit être conformément à ses principes propres et à ses règles, qui y placent l’autorité en haut et non pas en bas. S’il s’agissait de l’Église protestante, nous parlerions autrement ; nous ne lui appliquerions pas de force les règles de l’Église catholique : il ne faut pas davantage appliquer à l’Église catholique les règles ou les méthodes de l’Église protestante, et il n’y a pas un protestant libéral qui ne soit de cet avis. C’est pourquoi la disposition la plus heureuse de cette loi malheureuse est précisément l’article 4, en vertu duquel il n’y a d’associations cultuelles catholiques que celles qui sont reconnues par les évêques. Ainsi le veut la vraie liberté, si on admet qu’elle est faite pour les catholiques comme pour les autres. Les autres associations ne sont pas moins respectables, sans doute. Qu’elles se forment en dehors de l’Église quand et comme elles voudront : on leur doit pleine et entière liberté. Seulement, comme elles ne sont pas catholiques, on ne leur doit pas l’argent des catholiques. Nous sommes un peu honteux d’avoir à dire de pareilles choses, mais il faut bien le faire pour remettre un peu de lumière dans une question qu’on a obscurcie à plaisir. Si le schisme n’est pas assez puissant pour vivre de ses propres ressources, tant pis pour lui : ce n’est pas une raison pour qu’il pille l’Église dont il se détache, après avoir élevé autel contre autel.

La question des associations cultuelles est la plus délicate qui se pose à l’occasion de la séparation de l’Église et de l’État ; mais elle deviendrait bien plus délicate encore, et même quelque chose de plus, si on se servait artificiellement et artificieusement de ces associations pour introduire dans l’Église catholique des germes de division, germes qu’on s’appliquerait ensuite à développer et à multiplier jusqu’à détruire l’Église elle-même. Est-ce là ce que veut