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un voyage à sparte.

de l’âme que naît une œuvre littéraire, il parvient, au moyen des plus grossiers malentendus, dès l’instant qu’ils l’émeuvent, à établir un poème le plus solide et le plus sincère.

Un voyage d’ignorant sur la terre classique a permis à Goethe de donner une voix à tout ce qu’il avait entrevu dans ses momens de plus haute vénération. Sous un climat qui transfigure une âme du Nord et parmi des objets qui échauffent la piété d’un artiste, il a transformé en noble matière poétique ses plus humbles expériences, pour le grand profit du modèle imaginaire qu’il s’occupait alors à réaliser. Dans Bologne, le 19 octobre, il contemple longuement une sainte Cécile de Raphaël. « L’artiste, dit-il, lui a donné les traits d’une jeune fille robuste et ferme, sans froideur et sans rudesse. Je l’ai étudiée avec soin et je lui lirai en esprit mon Iphigénie. Je ne ferai rien dire à mon héroïne que cette sainte n’ait pu exprimer. »

Plus tard, il se plaindra qu’aucun acteur allemand ne puisse se faire l’âme assez noble pour jouer les rôles et prendre les attitudes d’Iphigénie en Tauride. En effet un très petit nombre de personnes sont à un degré suffisant de culture pour ressentir, repenser l’esprit profond de cette tragédie qui est une pièce civilisatrice.

D’Iphigénie sort une puissance capable de faire des philosophes stoïciens, — comme du Cid, d’Horace et de Polyeucte sortait une puissance capable de faire des individus qui se sacrifient. Corneille sert un Napoléon qui a besoin de héros ; Goethe sert toute société qui a besoin de se défendre contre l’orgueil intellectuel. L’Iphigénie pose une barrière à celui que la conscience de sa spiritualité incite à s’évader des règles et des coutumes sans ménagemens. L’Iphigénie, œuvre d’un homme que disciplinaient, par ailleurs, ses études d’histoire naturelle, ramène à la soumission nécessaire de puissantes intelligences enivrées de leur supériorité.



Mycènes enfin s’anime. Je donne un sens à mon pèlerinage, c’est de comprendre la vierge qui s’embarqua sur cette plage pour venir jusqu’aux plaines du Rhin. Je puis intéresser mon cœur et sortir de ma frigidité si je me dis que cette Acropole