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un voyage à sparte.

libéral Georges Mavromichalis à cette foule servante de l’autocratie qui, avec des cris de mort, assiégeait l’ambassade. Quand un pouvoir régulier se manifesta, qu’on vint réclamer le réfugié au nom de la commission administrative, et que des forces militaires furent en mesure de garantir l’ordre, les portes s’ouvrirent. Le général Pélion donna le bras au jeune homme, pour le couvrir et les soldats le conduisirent, sans violences, au Palamède. Chemin faisant, il disait :

« Je sais que je dois mourir ; je recommande à ma femme de trouver un beau mari et de se remarier. »

Ce à quoi elle ne manqua point.

Quelques jours plus tard on le condamna selon les formes. Il fut mené sous un platane isolé, au bord de la mer. Son père, des fenêtres de son cachot, lui envoya sa bénédiction.

Il est moral d’ajouter que, l’année d’après, à l’avènement du roi Othon, le vieux Petro Mavromichalis et son fils Anastase reçurent le titre de sénateurs, qu’un autre de ses fils, le général Démétrios, fut nommé ministre de la Guerre par le gouvernement qui renversa Othon, que la famille demeure une des premières de la Grèce, et que la mémoire de Capo d’Istria jouit du respect patriotique de tous les partis. Un respect sans enthousiasme.

Pourquoi la complaisance des poètes semble-t-elle manquer à Capo d’Istria ?

Sur le ciel de Missolonghi la flamme du bûcher funèbre de Byron laisse d’éclatantes lueurs. Je ne les préfère pas à cette tache qui s’efface au parvis de Saint-Spiridion. Nous ne rejetons pas l’héritage romantique, mais il faut l’agrandir ; nous invitons les enthousiastes d’un Byron à sentir de la poésie dans certaines activités sans éclat… D’ailleurs la destinée de scandale ou de gloire de leur héros devient mieux intelligible si nous mettons en regard la mission d’un Capo d’Istria.

Aristocrate, exclu par sa caste, et calomnié par toute sa nation, Byron jette l’anathème sur l’Angleterre. Privé de la haute vie seigneuriale que ses instincts exigeaient, il veut briser les cadres sociaux. Son orgueil forcené s’insurge contre toute limite ; il refuse même d’accepter les conditions de la vie et, par exemple, le départ de sa jeunesse : c’est le Révolté. Byron fut, en Grèce, le chevalier de la Révolution, comme Capo d’Istria, l’agent de la légitimité. Celui-ci, petit noble sans patrie, mit au