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roses. Un mois plus tard, j’eusse atteint l’Eurotas à travers leurs branches fleuries.

Dans cette dernière heure, la plaine prend un aspect d’incomparable fertilité. Je m’engage entre les huttes qui recouvrent, dit-on, la Sparte des héros. Partout des arbres à fruits et de petites rivières. J’aperçois deux gerbes bruissantes qui tombent de la montagne. Que ne peut la lumière de Grèce ! Elle charge de beauté une colonne de poussière soulevée au loin par le vent.

Sparte, le soir où j’y parvins, embaumait le lilas en fleur. Parmi les blanches maisons de ce grand village neuf, je crus, au premier regard, retrouver l’Andalousie, Grenade par exemple, d’où l’on voit, tout en brûlant, les neiges du Cerro de Mulhacen. Mais à l’ouest de Sparte, le fleuve Eurotas, en s’écoulant parmi ses désolations, fait avec le mont Taygète, un accord sublime. Le Taygète vigoureux, calme, sain, classique (bien qu’il porte dans ses forêts toutes les lyres du romantisme), nous propose les cimes d’où l’on juge la vie fuyante. Cette plaine éternelle exprime des états plus hauts que l’humanité. Je puis dire d’un seul mot, le plus beau de l’Occident, ce que j’ai d’abord perçu dans ce fameux paysage : de la magnanimité.


Maurice Barrès.