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demander d’inviter les princes allemands à dissiper les rassemblemens qu’ils toléraient sur la frontière. Et quand le président de cette députation dit au Roi : « Si des princes d’Allemagne continuent de favoriser des préparatifs dirigés contre des Français, les Français porteront chez eux, non le fer et la flamme, mais la liberté, » cette première menace officielle de la Révolution à l’Europe était l’écho des paroles mêmes d’Isnard.


III

Commencé sur les bancs de l’Assemblée législative, le grand duel de la Gironde et de la Montagne se poursuivit à la Convention, avec quel redoublement d’acharnement, ce n’est pas ici le lieu de le redire. Isnard y reparut, toujours au premier rang, toujours aussi intrépide. Lors du procès de Louis XVI, il se montra conséquent avec lui-même. Dans la précédente assemblée, dès le 3 août 1792, on l’avait entendu démontrer que la conduite du Roi n’était qu’un tissu de parjures et d’hypocrisies, et, le soir même, au club des Jacobins, son discours lui avait valu d’être salué comme « un vrai héros de la liberté. » Plus avancé que la majorité de son groupe qui, si elle travaillait avec ardeur à renverser la royauté, ne voulait pas, semble-t-il, la mort du Roi, Isnard vota la mort, sans appel ni sursis. Puis les partis, un instant distraits par le procès, reprirent leur querelle. Mais la Montagne avait trouvé à l’Hôtel de Ville et dans les faubourgs de redoutables auxiliaires. De jour en jour plus audacieuse et plus insolente, la Commune dictait maintenant ses lois au législateur. Isnard, comme la plupart des députés de province, aimait peu Paris, cet État dans l’État ; il avait le culte de la loi et de la représentation nationale. « La loi, — s’était-il écrié un jour à la tribune, — la loi, c’est mon Dieu, le seul que je connaisse ! » Et voilà que le sanctuaire de la loi était, à chaque instant, envahi et profané. Une sourde colère, — celle du prêtre dont on briserait l’autel, — grondait en lui : elle n’attendait, pour éclater, que l’occasion.

Le 25 mai 1793, une députation de la Commune se présenta à la barre pour sommer la Convention de remettre en liberté Hébert arrêté par son ordre. Isnard présidait. On connaît sa réponse : « Ecoutez ce que je vais dire. Si jamais, par une de ces insurrections qui, depuis le 10 mars, se renouvellent sans cesse,