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proclamer, comme nous allons l’entendre, sa faute, ses remords et son expiation ? Cette confession d’Isnard ne s’analyse ni ne se résume, elle y perdrait trop. Il faut en reproduire le texte même :


« Le sieur Isnard, entraîné dans sa jeunesse par le délire révolutionnaire, vota la mort de Louis XVI. Ce saint monarque lui a pardonné en montant au ciel, et Dieu sans doute a ratifié ce pardon, puisqu’il s’est servi de l’égarement même du sieur Isnard pour le ramener sincèrement à la religion.

«… Parmi les hommes qui ont eu le malheur de condamner Louis XVI, il en fut qui, n’étant qu’entraînés par la fatalité et reconnaissant bientôt toute la noirceur de ceux qui les avaient aveuglés, osèrent les combattre et sacrifier leur vie pour s’opposer à leur fureur. Sur ce petit nombre dont la plupart ont péri victimes de leurs efforts, le sieur Isnard fut l’un des plus marquans. Il combattit les anarchistes avec tant de courage, et surtout durant sa présidence dans la quinzaine qui précéda l’insurrection du 31 mai, que, le 2 juin, 30 000 insurgés, réunis au Carrousel, demandèrent nominativement la tête de celui (c’était lui-même) qui avait osé répondre à leur chef que, s’ils attentaient à la représentation nationale, le voyageur chercherait un jour sur quelle rive de la Seine Paris avait existé.

« Par suite de cet événement, le sieur Isnard fut proscrit, condamné à mort, mis hors la loi ; c’est dans cet état qu’il a passé quinze mois, errant de refuge en refuge, d’autant plus malheureux qu’il était rigoureusement interdit à tout Français, sous peine de proscription, de lui donner assistance ou asile.

« C’est durant cette réclusion qu’il a contracté une goutte invétérée et perdu une partie de sa fortune livrée aux confiscations. Mais aussi, c’est là que, se livrant en entier aux méditations religieuses, il fut touché de Dieu et ramené à des sentimens de piété qu’il professa dès lors dans l’écrit qu’il publia sur sa proscription, et qui n’ont cessé, depuis, de devenir le régulateur de sa conduite.

« Rentré dans la Convention, il fut envoyé dans les Bouches-du-Rhône ; il arriva au moment même où l’insurrection de Prairial faisait son explosion en Provence, aux mêmes jour et heure qu’à Paris. Une troupe innombrable d’insurgés de Toulon, après avoir pillé l’arsenal et violenté le représentant qui était dans la