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compensations et des garanties dont on ignore encore la teneur exacte. Ce n’est point aujourd’hui le cas, — et d’ailleurs ce n’est plus le temps, — de discuter ces conventions et de rechercher si nous n’aurions pas trop chèrement acheté deux désistemens qui n’avaient pas, la suite l’a prouvé, la valeur d’un envoi en possession ; les deux conventions nous sont acquises ; il ne nous reste qu’à en tirer le profit qu’elles comportent.

La France, si elle n’avait eu, dans le monde, d’autres intérêts que ses projets marocains et d’autres frontières que celles de la province d’Oran, aurait encore agi prudemment en ne s’en tenant pas à ces deux conventions, même en prenant soin de rassurer, par une déclaration, les intérêts commerciaux des puissances qui n’ont et qui ne convoitent au Maroc ou dans son voisinage aucune possession territoriale : il était évident, en effet, que, pour imposer pacifiquement notre collaboration au Sultan dans la réforme de son Etat, il fallait l’isoler et lui retirer tout espoir de trouver en Europe un appui pour résister à nos instances. Mais nous avions encore d’autres raisons, et de plus fortes, de négocier avec l’Allemagne : notre situation générale en Europe nous imposait des précautions et des ménagemens faute desquels nous risquions de nous préparer un échec ; l’exemple des ministres créateurs de notre empire colonial et méditerranéen, qu’ils s’appellent Gambetta, Ferry, Freycinet, Casimir-Perier, Ribot, Hanotaux, suffisait à nous avertir que si l’Angleterre, encore qu’elle l’ait parfois tenté, n’a pas pu nous empêcher de mener à bien nos entreprises coloniales, le consentement au moins tacite de l’Allemagne a toujours été nécessaire à leur succès. Il est trop clair qu’une sécurité complète sur la frontière de l’Est est pour nous la condition indispensable à toute activité extra-européenne. Si donc, au point de vue marocain, il avait pu suffire que nous donnions à toutes les puissances l’assurance formelle que nous n’avions pas l’intention de mettre obstacle à la libre concurrence internationale ou de « fermer la porte, » au point de vue européen nous pouvions en tout cas être obligés de tenir compte de facteurs plus complexes. D’ailleurs, outre les conventions avec l’Angleterre el l’Espagne, nous avions conclu avec l’Italie, — nous avions même commencé par là, — un accord, dont les stipulations n’ont pas été publiées, par lequel elle s’engageait à ne point contrecarrer notre influence au Maroc moyennant que nous ne mettrions pas obstacle à ses entreprises éventuelles sur