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l’Islam. Si l’on voulait trouver les vraies raisons politiques de l’intervention allemande au Maroc, c’est peut-être à Constantinople qu’il conviendrait d’aller les chercher. C’est un point de vue que nous ne pouvons aujourd’hui qu’indiquer, mais dont il n’était pas inutile de signaler l’importance.

Le 11 mai, le comte de Tattenbach fit son entrée à Fez, en grand appareil, au milieu d’un cortège de nombreux officiers ; il venait y continuer le geste protecteur de son impérial maître et en développer les conséquences. M. Saint-René Taillandier, par ordre de son chef, laissa le champ libre à son rival ; sans quitter Fez, il s’abstint de nouvelles démarches auprès du Maghzen. Le Sultan, se sentant appuyé, ne tarda pas à faire une réponse négative aux propositions françaises : il les tenait pour incompatibles avec ses engagemens internationaux, mais se déclarait prêt à exécuter les réformes que les puissances signataires de la convention de Madrid, réunies en conférence, voudraient bien lui conseiller. Ainsi, par l’intervention de l’Allemagne, la question des réformes, de franco-marocaine qu’elle était, tendait à devenir internationale.

Mais déjà le bruit de ces incidens marocains se perdait dans l’émotion des événemens européens ; l’intérêt du drame n’était plus ni à Fez, ni à Tanger, mais à Paris et à Berlin où la « riposte, » dont le Maroc n’avait été que « l’occasion, » menaçait de dégénérer en une guerre européenne. La campagne diplomatique, qui devait être le premier acte de « la pénétration pacifique » de la France au Maroc, s’achevait sur la menace formelle d’un conflit immédiat. Ainsi se révélaient les dangers d’une méthode qui, pour avoir méconnu l’équilibre réel des forces européennes et les conditions de notre action extérieure, aboutissait à créer, entre l’Algérie et le Maroc, une frontière d’Alsace, et à jeter brusquement un pays qui, depuis plusieurs années, n’entendait parler que de paix et d’arbitrage, dans les préoccupations de la guerre prochaine. Dès qu’il eut pris conscience du péril, M. Rouvier, président du Conseil, intervint énergiquement et le ministre des Affaires étrangères donna sa démission (5 juin).


III

L’échec de la campagne diplomatique a jeté le discrédit sur « la pénétration pacifique. » La méthode, cependant, si elle avait