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le répète sur tous les tons, car l’acheteur est un animal d’habitude, me disait-on, un être de routine, qui craint les physionomies inconnues des choses et des personnes, et qui a besoin d’être averti, rassuré, confirmé cent fois avant de modifier ses erremens. Il faut donc que dans cette conjoncture le syndicat lui offre toute garantie, que les produits soient toujours excellens, sans quoi le consommateur quitterait bien vite la nouvelle route et reviendrait au vieux chemin battu, accrédité par un long usage. Tartarin de Tarascon avait doubles muscles, le syndicat doit avoir double loyauté, exercer double surveillance, inspirer double confiance ; le paradis est toujours à perdre.

Le syndicat des propriétaires et fermiers de Toulon, Ollioules et environs, a pour objet la production et la vente collective des oignons à fleurs, qu’il expédie à l’étranger, surtout en Allemagne et en Angleterre. Les producteurs syndiqués de Plougastel-Daoulas, qui affrètent des bateaux pour le transport des fraises en Angleterre, ont ainsi vu doubler leurs bénéfices. Ceux de Gaillon ont aussi obtenu des résultats très satisfaisans en abordant directement les marchés anglais ; les prunes, les cerises, les poires sont les principaux fruits ainsi exportés. Quelques membres du syndicat on fait les avances nécessaires pour l’acquisition du matériel d’emballage, sièves, cageots, etc. Un agent du syndicat contrôle les colis à la gare, délivre une fiche à chaque expéditeur ; celui-ci ne sait pas où ses fruits seront vendus, c’est l’affaire du syndicat, mais, la semaine suivante, il reçoit régulièrement le prix de sa vente, et celle-ci est toujours bonne. Le bureau du syndicat choisit les marchés les plus favorables, d’après les dépêches qu’il reçoit chaque jour, il discute, bataille avec les Compagnies de chemins de fer pour assurer la régularité des livraisons, et obtenir des réductions de frais de transport ; et ce n’est pas là une simple sinécure, mais le succès, toujours grandissant, le récompense de ses peines. Ces efforts intelligens ont un autre résultat : ils rattachent l’homme à la terre, augmentent la valeur de celle-ci. C’est un producteur syndiqué qui répondait devant moi à un mauvais conseiller : « Vendre ma terre, ce serait comme vendre mon père et ma mère, et moi-même dans tout mon passé ! » Et c’est au syndicat agricole du Comtat (Carpentras) qu’il faut attribuer la prospérité de la culture des fraises dans le département de Vaucluse : avant lui, les fraisiculteurs ne connaissaient d’autre débouché que les Halles centrales de Paris ; mais, s’arrogeant un