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comme un marbre antique, de sa chevelure bordée d’adolescent. Personne, jamais, ne nous a parlé de son regard[1]. Et plus d’un, avec Börne, derrière le masque auguste cherche encore l’âme.

Longtemps après les leçons sur Gœthe, après ses leçons sur Raphaël, dont il a tiré un beau livre[2], jusque dans les dernières années de sa vie, Hermann Grimm parlait encore à Berlin. Le cadre de ses conférences embrassait toute « la vie intellectuelle du XIXe siècle. » Il touchait à toutes les manifestations de la pensée et de l’art. La petite salle où il parlait contenait à peine quelques centaines de places. Pas de dames, car il n’aimait pas à être gêné. Sa franchise allait jusqu’à la rudesse. Avec cela, on lui reprochait en même temps une ironie froide, parfois glaciale et une distinction un peu blasée d’aristocrate. On cherchait parfois des pensées très originales dans ce qu’il disait, C’était plutôt un remueur d’idées, un éveilleur de pensées chez d’autres. Et, toujours, il allait aux fortes individualités : un Carlyle, un Ruskin. Un de ses derniers essais d’art fut sur Arnold Bœcklin, le maître bâlois. Son dernier article, inachevé, pour la Deustche Rundschau, est un fragment sur « Raphaël, comme puissance mondiale. »

Comme l’écrivait, quelques jours après la mort de son maître, un de ses anciens élèves à l’Université de Berlin, « c’est toute une époque de culture intellectuelle allemande qui est morte avec Hermann Grimm. Il était encore de ces rares qui ne sont pas des spécialistes, mais des hommes. » En rendant compte, dans une Revue, d’un livre posthume de conférences politiques de l’historien de Treitschke, H. Grimm écrivait, un mois avant sa mort, en parlant du disparu : « ... Comme il était bien planté dans la vie ! Combien ardent ! Comme la langue se pliait à son service pour dire tout ce qu’il voulait !LES Fien nouveau était chaque nouveau livre de lui ! .. » On peut dire la même chose du critique érudit que fut Hermann Grimm.


EDOUARD DE MORSŒR.

  1. Dans une lettre de Johanna Schopenhauer on trouve ceci : « Ses yeux bruns, à la fois doux et pénétrans. » (Johanna Schopenhauer à son fils, 28 nov. 1806).
  2. Das Leben Raphaels, H. G. (4e éd. Berlin, 1903).