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temps à venir proposer des combinaisons sur lesquelles, naturellement, ils auraient à toucher un « pot-de-vin. » A la recherche d’expédiens, Marie de Médicis accueillait toutes les propositions. Les grands en recevaient aussi, d’ailleurs, du même genre, concernant, par exemple, des provinces qu’ils avaient en gouvernement et ils sollicitaient du roi l’exécution des idées qu’on leur soumettait. « Oh ! le ramas de ces canailles et sangsues de partisans, s’écriait Sully, qui avait en horreur ces gens d’affaires, rapporteurs, dénonciateurs, mouches de cour et donneurs d’avis pour trouver de l’argent à la surcharge du peuple ! » Le moyen était bon : on en jugera par la variété et le nombre des impositions exceptionnelles édictées au profit de la reine.

Mais une fois qu’une idée était trouvée et admise par Henri IV, il y avait à dresser un édit. Or, avant d’être signé par Sa Majesté, l’édit de création de ressources nouvelles devait être délibéré en conseil d’état, première difficulté. Les complications administratives des propositions suggérées à la souveraine étaient souvent telles qu’il fallait bien que les ministres examinassent la question. Les refus, expliqués ou non, étaient ici faciles. Marie de Médicis, dans la crainte d’une opposition qui pouvait empêcher la réalisation d’un projet, en était réduite à solliciter individuellement chaque membre du conseil, à insister pour qu’il se prononçât dans un sens favorable aux intérêts de la souveraine, à supplier même. Elle écrivait à tout le monde. Les lettres à Sully étaient plus particulièrement pressantes, presque obséquieuses, attendu l’autorité qu’avait au conseil la parole du redoutable surintendant. Elle s’en remettait à lui avec un abandon et une confiance simulés : « Je n’entends pas, lui écrivait-elle une fois, que cette affaire se passe autrement que selon ce que vous en ordonnerez et le trouverez à propos ». Le conseil ayant enfin donné un avis favorable, l’édit du roi était rendu et un arrêt de ce même conseil en déterminait l’exécution.

Mais alors, autre formalité, les édits devaient être enregistrés par les parlemens, ou, suivant les cas, par les chambres des comptes, les cours des aides. À ce moment, les difficultés devenaient inextricables. D’elles-mêmes, effet de la tradition, ces cours n’aimaient pas enregistrer des édits représentant, en définitive, des manières d’accroissements d’impôts. Par intérêt pour les peuples, par devoir de conscience, par goût de montrer leur autorité, elles faisaient des remontrances au roi. Le roi insistait en