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les dépenses secrètes, ont été si considérables qu’en fait on peut dire que tous les chiffres soumis à la chambre des comptes ont été falsifiés, de même qu’on a caché les sources de revenus exceptionnels auxquels la souveraine a eu recours pour faire face à ses dettes. De beaucoup le million de déficit était chaque année outrepassé !

Parmi les dépenses exceptionnelles déclarées, il en fut dont il n’y avait rien à dire. Ce sont celles par exemple qui concernent la construction du palais du Luxembourg : achat des terrains, envoi d’architecte en Italie pour étudier le palais Pitti, plans et devis de l’architecte Salomon de Brosse, mise en train des travaux, plantation dans les jardins d’ormeaux amenés d’assez loin ; le tout représentant des annuités variables, souvent élevées, sans toutefois rien d’excessif. Il en est de même des réparations exécutées au château de Montceaux, 32 000 livres par an. Mais la liste des dons octroyés aux uns et aux autres, des pensions inscrites sur son budget, — par bonté ou par faiblesse, — s’allonge indéfiniment : le médecin Montalto reçoit 6 000 livres : le tailleur Zoccoli, 8 000 ; la femme de chambre Salvaggia, 9 000 ; M. de Thémines, 10 000 ; le cardinal de Gonzague, 15 000 ; M. de Sillery, 20 000. Certaines dépenses de luxe s’affichent : nous ne parlons pas de 12 000 livres destinées à renouveler les carrosses de la souveraine, de 51 000 livres prévues pour la réfection complète de l’ameublement de la reine au moment où celle-ci abandonne le grand deuil en 1612. Les notes des orfèvres-joailliers se produisent sans aucune retenue : dans les seuls comptes de 1613, le marchand François le Prestre reçoit 1 200 livres ; Pierre Olivier, 6 000 ; Martin Bachelier et Mathieu Coulbes, chacun 18 000 ; Nicolas Roger, 27 322 ; Hélie Fruit, 30 300 ; en tout, plus de 100 000 livres de joaillerie pour une seule année ; le huitième du budget ! et ce n’étaient point là les seules sommes consacrées à ces achats !

Mais, à côté, la profusion des dépenses qu’il a plu à Marie de Médicis de ne pas justifier est tout à fait surprenante. La reine se fait donner perpétuellement de la main à la main par le trésorier général, M. Florent d’Argouges ; elle déclare que ce sont des sommes qu’on lui remet a pour nos affaires pressées et secrètes dont nous ne voulons estre fait plus ample mention ni déclaration; » et cette formule vague, qui n’admet pas de question, revient avec une fréquence de plus en plus accusée, aboutissant à une absorption déconcertante de fonds 1 En 1611, la reine a reçu de la