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Normandie en leur assemblée générale tenue à Rouen le 15 septembre 1613 » est-il libre, c’est ce qu’il ne faudrait pas trop rechercher.

Faisant un pas de plus en avant, Marie de Médicis a nettement, et dans des proportions très larges, pratiqué les a pots-de-vin ! » Il serait inexact de croire que la conscience publique, à ce moment, admit facilement ce genre d’opérations. Si, à vrai dire, le mot et la chose ont pris depuis une acception particulièrement déshonorante, ils étaient déjà, à cette date, suffisamment réprouvés. Marie de Médicis n’a pas craint de faire négocier ouvertement ses pots-de vin, qu’on décorait parfois du titre plus convenable « d’épingles de la reine, » et les individus ou assemblées qui payaient ne protestaient pas contre le principe de cette pratique. La vengeance des magistrats, en 1617, après la chute de la régente, consistera à reprocher violemment à Léonora Galigaï, comme commises par elle, des indélicatesses que celle-ci, terrifiée, ne peut que reporter à sa maîtresse tombée ; les commissaires, pénétrés du respect qu’ils doivent aux personnes royales, se tairont alors ; mais le sens même des interrogatoires comporte en soi leur sentiment.

Ces pots-de-vin furent réclamés et versés dans les conditions les plus caractéristiques de prévarication. La régente abandonna des droits de l’État moyennant rétributions versées entre ses mains. La Bretagne, en 1616, avait des droits casuels à payer. Les États de la province protestaient vivement et réclamaient avec instance la suppression de ces droits, indûment imposés, disaient-ils. Marie de Médicis consentit à renoncer aux droits casuels, si on lui donnait 60 000 livres à elle, personnellement, a pour ses menus plaisirs. » — Par édit de janvier 1603, Henri IV avait augmenté en Guyenne les sièges d’élections, et par conséquent le nombre des officiers de finances, genre de mesure qui avait comme effet de diminuer dans le reste de la province la valeur des charges similaires. Les titulaires, lésés, de ces charges, s’étant élevés contre l’édit, la régente leur proposa de le retirer moyennant la somme de 109 000 livres à verser dans ses coffres : ils s’exécutèrent. — Semblables conventions intervinrent même pour de simples nominations. Le lieutenant civil de Paris, M. Miron, étant mort, c’était son frère, le président Miron, qui devait lui succéder en vertu d’une résignation régulière d’office faite par le défunt entre les mains du président. Mais Marie de Médicis était en marché pour la place avec son propre procureur, M. Le Jay, lequel avait promis à la souveraine,