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christianisme sans le catholicisme ; point de catholicisme sans le Pape ; point de Pape sans la suprématie qui lui appartient. »

Le second livre Du Pape : Du Pape dans les rap)ports avec les souverainetés temporelles, et le troisième : Du Pape dans son rapport avec la civilisation et le bonheur des peuples, sont le développement du second article du programme : « Point de religion européenne sans le christianisme » ; et, si dans son premier livre, celui qui est intitulé : Du Pape dans son rapport avec l’Eglise catholique, de Maistre avait surtout combattu Bossuet, ici, c’est Voltaire et son Essai sur les mœurs qu’il s’est efforcé de réfuter. Chateaubriand avait « rouvert » et « restauré » la cathédrale gothique. C’est la civilisation du Moyen âge tout entière que Joseph de Maistre a prétendu venger des attaques des Encyclopédistes. Et ce qui me fait croire qu’il n’y a point tout à fait échoué, c’est que, parmi tant d’emprunts que ne devait pas dédaigner de lui faire Auguste Comte, — sans se croire le moins du monde obligé pour cela d’accepter son « système, » et même en le repoussant, — le plus considérable est précisément ce qui regarde le rôle civilisateur de la Papauté au Moyen âge. Ce n’est pas d’ailleurs aujourd’hui le temps de démêler ce qu’il y avait de juste, mais peut-être aussi d’excessif dans cette réhabilitation du Moyen âge. Il y faudrait trop de place, et puis, et surtout une compétence d’historien que nous n’avons pas. Mais il convenait du moins d’indiquer un point de départ, et incidemment, de montrer comment, et par où, l’œuvre de Joseph de Maistre se rattache au mouvement ou à la préparation du mouvement romantique. On est toujours surpris et utilement étonné, quand on étudie de près le contenu d’un grand livre, de voir par combien de rapports, et on serait tenté de dire de « fibres, » il se lie à l’ensemble des idées de son temps.

On ne s’attend pas non plus que nous discutions ici la question de l’ « Infaillibilité pontificale, » étant, d’abord, de ceux qui la tiennent pour entièrement décidée ; et, d’un autre côté, ne croyant pas que, si c’était l’histoire qu’on en voulût écrire, Joseph de Maistre fût le guide le plus sûr et le plus autorisé qu’on pût suivre. M. Latreille, plus hardi que nous, a cru devoir le faire, et nous renvoyons le lecteur à celui de ses chapitres qu’il a intitulé : Le Problème théologique ; le problème historique et politique. Pour nous, tout ce que nous voudrions, ce serait de mettre en lumière deux ou trois idées essentielles, et toujours « actuelles, » qui sont en quelque manière la substance du livre ; dont la vérité, depuis tantôt cent ans, s’est démontrée par leur développement ; et qui soutiennent encore aujourd’hui, contre ses erreurs et ses exagérations mêmes, la solidité du livre de Joseph de Maistre.