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livre Du Pape, il me semble que l’on comprendra, mieux qu’on ne le fait à l’ordinaire, le mélange qu’il est de considérations politiques, philosophiques, et religieuses ; comment elles s’y enchevêtrent, pour ainsi dire, les unes dans les autres ; et que le livre en est sans doute moins clair, mais c’est pourtant l’autour qui a eu raison de ne pas les séparer. Elles se tiennent, et le livre est fait pour en montrer la solidarité. On comprendra peut-être aussi qu’en « restituant le Moyen-âge, » ou plutôt en lui restituant sa véritable physionomie, Joseph de Maistre, n’a pas eu l’intention de le « ressusciter » ou de nous y ramener, et on ne verra plus dans sa théocratie, — si l’on continue du moins à se servir encore de ce mot, — ce que l’on affecte trop souvent d’y voir : un instrument de compression et de tyrannie, mais plutôt de liberté. Et en effet, n’est-ce pas dans nos démocraties modernes que le citoyen serait vraiment l’esclave ou la chose de l’État, s’il n’avait dans la religion une défense et un refuge contre ce maître impérieux ? Et ce que l’on comprendra enfin, c’est que, si depuis soixante-quinze ans, lentement et pour ainsi dire une à une, toutes ces idées nous sont devenues familières, nous le devons à l’homme que beaucoup de ses admirateurs ne se font pas scrupule de considérer comme le plus « misonéiste » de nos grands écrivains. Et nous ne demanderons plus après cela qu’une chose, qui sera que l’on reconnaisse que, s’il a jeté en effet ces idées dans la circulation intellectuelle, ce « laïque » a peut-être rendu quelques services à l’Église.


F. BRUNETIERE.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.