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ici le 3 décembre, anniversaire de la mort de Baudin. » On répondit de toutes parts : « Nous y serons. »

A peine rentré chez lui, Delescluze, pressé d’appuyer la manifestation populaire par la manifestation bourgeoise, n’attendit pas le jour prochain de la publication de son numéro hebdomadaire. Il écrivit à Peyrat, rédacteur en chef de l’Avenir national : « Mon cher confrère, votre publication est quotidienne ; le Réveil, au contraire, ne paraît que le jeudi, et comme il importe de ne pas laisser tomber une initiative née sur la tombe de Baudin et acceptée simultanément par l’Avenir et le Réveil, vous pouvez annoncer dès maintenant en notre nom commun l’ouverture d’une souscription pour élever un monument au glorieux martyr du 3 décembre 1851. » La Revue politique de Challemel-Lacour, la Tribune de Pelletan s’associèrent au Réveil et à l’Avenir national. Quelques souscriptions à effet arrivèrent aussitôt : celles de Victor Hugo, de Louis Blanc, de Quinet, de Jules Favre. Prévost-Paradol déclara « que ce nom devait être aussi cher que celui du chevalier d’Assas à tous ceux que touche l’honneur du nom français » (7 novembre). Odilon Barrot « honora en lui le martyr d’une grande et sainte cause, celle du droit. » La souscription qui produisit le plus de sensation fut celle de Berryer. L’illustre orateur était déjà sur son lit d’agonie où il se débattait contre les tortures d’une tumeur abdominale. De là il écrivit à l’Électeur libre : « Le 2 décembre 1851, j’ai provoqué et obtenu de l’Assemblée nationale, réunie dans la mairie du Xe arrondissement, un décret de déchéance et de mise hors la loi du président de la République, convoquant les citoyens à la résistance contre la violation des lois dont le président s’était rendu coupable. Ce décret a été rendu public dans Paris autant qu’il a été possible, Mon collègue, M. Baudin, a énergiquement obéi aux ordres de l’Assemblée ; il en a été victime, et je me sens obligé de prendre part à la souscription ouverte pour l’érection d’un monument expiatoire sur sa tombe. »


VIII

L’esprit sert parfois à vous tirer d’embarras même dans les affaires sérieuses : le gouvernement en manqua totalement. C’était le cas de se rappeler les paroles prononcées à Ham par le Prince