Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à bas l’Empereur ! — La presse a dénoncé le crime. Trois jugea ont rendu l’arrêt. Peuple, à quand l’exécution ? A bas l’Empereur ou à bas Baudin une seconde fois ! Point de plébiscite pour le plébiscite ! Point d’absolution pour le tyran ! Plus d’obéissance au contumace ! Plus de serment au bourreau dont nous honorons le martyr ! Plus d’opposition, révolution ! Pas de milieu ! pas plus d’Empire libéral que d’Empire absolu ! De novembre que de décembre ! Il ne s’agit pas de couronner l’édifice, mais de le découronner. En avant donc ! Et ne pleurons plus, ça mouille l’amorce ! — Ah ! si Baudin, qui est mort libre le 3 décembre 51, pouvait parler aujourd’hui, il nous dirait sans phrases : « Peuple, aux barricades ! — Plus de souscription ! Garde ton argent pour du plomb ! — Tu as vu comme on meurt pour 25 francs. — Tu as vu comme on tue pour 25 millions. — Pour 25 centimes de poudre, tu vivras libre ! — Esclaves, Vive la liberté ! Citoyens, Vive la République ! — Le Comité central d’action. »

Cette déclamation, œuvre d’une plume experte, probablement celle de Félix Pyat, provoqua des mesures nouvelles le 3 décembre. Les troupes furent consignées. Malgré la résistance légitime de Niel, le régiment de chasseurs suspect d’avoir été entamé par la propagande anarchique fut retiré de la caserne du Prince-Eugène, la police fut mobilisée et, à partir de midi, le cimetière fut mis en interdit. On pensa généralement que cette mise en interdit était excessive ; il eût suffi de se tenir prêt à empoigner à la sortie les révolutionnaires, si, échauffés par leurs déclamations, ils tentaient de troubler la paix publique. Il n’y eut aucun désordre sérieux ; une quarantaine de turbulens furent néanmoins arrêtés et condamnés, quelques jours après, comme coupables de rébellion.

Les souscriptions cessèrent ; il ne resta de l’incident qu’un résultat, celui que Delescluze avait poursuivi : l’opposition parlementaire s’était déclarée révolutionnaire, et renonçait à l’attitude constitutionnelle.


XII

Devais-je, moi aussi, adopter les desseins révolutionnaires de cette nouvelle opposition ? Cela ne mériterait pas d’être expliqué à l’histoire si ma résolution n’eût dû influer que sur ma destinée.