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européennes, et celle de 1881, dans le Sud de la province d’Oran.

En ces trois quarts de siècle, depuis notre débarquement, et ce demi-siècle depuis la prise de possession totale, qu’avons-nous fait de ce pays ? L’œuvre était infiniment compliquée et malaisée : aucun organisme gouvernemental auquel on pût recourir ; une population indigène d’environ deux à deux millions un quart, toute primitive, belliqueuse, réfractaire aux idées européennes, séparée de nous par une religion hostile à tout compromis ; un régime de propriété collective qui mettait les terres hors du commerce et qui ne nous laissait disponibles que le domaine du dey, assez restreint, et les biens habous ou wakoufs, mainmorte religieuse ou charitable, dont nous nous emparâmes en nous chargeant des frais du culte et de l’assistance ; difficulté de recruter les colons, de les protéger et de leur offrir des lots de terre ; aucun ou presque aucun attrait minier, pendant près de cinquante ans ; inexpérience complète en cette nature de colonies, — les colonies mixtes, mi-partie de peuplement, mi-partie d’exploitation, — les plus difficiles de toutes à fonder et à conduire ; sans compter les difficultés provenant du relief tourmenté du sol et du climat ; tels étaient les obstacles qui s’opposaient et s’opposent, en partie encore, à notre action.

Nous n’avons pas à retracer ici les efforts, les erreurs, les repentirs, les redressemens, la persévérance fondamentale, qui ont caractérisé notre œuvre nord-africaine ; nous l’avons fait amplement ailleurs[1]. Pour bien les juger et apprécier également notre colonisation, il faut étudier les résultats, les faits acquis en cet espace de temps qui est bref dans la vie d’un peuple, à plus forte raison dans celle de l’humanité.


II

Le premier indice de la prospérité et de l’essor d’une colonie, c’est le développement de sa population. Les chiffres, sous ce

  1. Voyez nos ouvrages : l’Algérie et la Tunisie, 2e édition ; et la Colonisation chez les peuples modernes, 5e édition, Alean et Lévy,