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candidature a une signification précise, sur laquelle je ne veux tromper personne, amis ou ennemis, — n’étant pas l’homme des équivoques, — elle est un acte de protestation contre le coup du Deux Décembre ; et si vous m’envoyez à la Chambre, je n’y entrerai pas pour autre chose que pour agiter, devant la majorité satisfaite, l’éternel remords et l’impitoyable revendication. » De ce point de départ, il allait, comme son ami de Belleville, à la suppression des armées permanentes, à la séparation de l’Église et de l’État, en un mot à tout le programme radical de Jules Simon. Les discours qu’il tint dans les réunions eurent un accent furibond. Il se trompait de date ; les souvenirs de 1851 s’étaient amortis, et, si ce n’est dans la petite minorité qui le traînait à sa suite, s’était opérée une détente toujours croissante. Son cri de haine produisit un effet inattendu. Il mit en alarmes les plus indifférens ; un comité de trois cents délégués venus de toutes les communes du département, et composé de maires, de conseillers généraux, de notables de toute nature, se constitua en comité électoral à Draguignan, et, après un beau discours du principal avocat de la ville, Verrion, acclama mon nom. « Ne nous défendez pas, dirent ces braves gens au préfet ; laissez-nous nous défendre nous-mêmes. Nous ne voulons pas lutter contre le candidat officiel de la révolution par le candidat du gouvernement ; contre la révolution, nous ne voulons invoquer que la liberté. » Ce qu’il y eut de remarquable dans cette manifestation, c’est que les républicains modérés, vaincus en Décembre, furent aussi empressés à s’y associer que les impérialistes leurs vainqueurs. Les uns et les autres se groupèrent autour de moi parce que mon nom signifiait concorde, oubli, réconciliation, amnistie des torts réciproques. Qu’aurait pu le candidat officiel contre un pareil mouvement ?

Les radicaux, inquiets de cette spontanéité, eurent recours à leur moyen ordinaire de propagande, l’imposture, et annoncèrent qu’après l’orageuse séance du Châtelet, j’avais été reçu par l’Empereur, et que maintenant, (il n’y avait plus à s’y méprendre), j’étais candidat officiel, soit à Paris, soit dans le Var. La vérité était qu’à Paris et dans le Var, les amis du gouvernement me préféraient à Bancel et à Laurier, mais volontairement, parce que cela leur plaisait, et non pour obéir à une consigne. Toutes les paroles du comité de Draguignan étaient des réfutations de ce mensonge. Le préfet, de son côté, disait à tout venant : « Il n’y a pas de candidat officiel. »