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heure. Seulement, elle vint de l’opposition et non du gouvernement. Le Siècle et le Rappel, alors qu’aucun démenti ne pouvait être utilement donné, publièrent une dépêche de Draguignan : ce Laurier arrive de l’Hérault, et trouve les murs de Draguignan tapissés de toutes sortes de calomnies contre ses amis et lui. Il veut répondre, et les deux imprimeurs refusent leurs presses. L’intimidation est à son comble. Ollivier est en plein candidat du gouvernement. Toute l’organisation policière et tout l’outillage habituel des candidatures officielles se démènent pour lui. » Toutes ces assertions étaient fausses. Aucune calomnie n’avait été répandue contre Laurier ; l’unique imprimeur n’avait refusé d’imprimer que jusqu’à ce que ses presses fussent redevenues libres ; j’étais candidat indépendant à la dernière heure comme à la première ; l’élection dans le Var était aussi libre qu’à Paris. Néanmoins, cette dépêche acheva dans la 3e circonscription ma candidature déjà bien malade. D’ailleurs, depuis le commencement de la campagne, je n’avais aucune illusion. Comment pouvais-je résister aux moyens employés contre moi ?… Le mensonge et l’outrage avaient été les principaux argumens dont se servirent ces puritains politiques. Ils s’indignaient des procédés de la candidature officielle, et ils les dépassaient tous.

Le 24 mai, après la clôture du scrutin, la première dépêche qui m’arriva était du quartier Vivienne ; elle m’annonçait une faible majorité en ma faveur. — « Bon présage ! s’écria un de mes amis joyeux. — Dites, mon cher, la certitude de la défaite. Si les quartiers conservateurs me donnent un aussi faible avantage, les quartiers populaires vont m’écraser. » Il en fut ainsi, et Bancel l’emporta sur moi par 22 840 voix, contre 12 848.

Je n’étais pas le seul vaincu de la journée. Carnot succomba devant Gambetta (21 744 voix, contre 11 604) ; Guéroult fut devancé par Ferry, dans un ballottage avec Cochin[1] ; Jules Favre et Garnier-Pagès, tenus en échec par Rochefort et Raspail[2] ; Thiers lui-même ne passa pas à ce premier tour[3]. J’avais eu autant de voix que Thiers et Garnier-Pagès, plus que Carnot, Jules Favre et Guéroult, qui n’avaient pas franchi le seuil du palais des Tuileries pour

  1. Ferry, 12 916 ; Cochin, 12 417 ; Guéroult, 4 851.
  2. J. Favre, 12 028 ; Rochefort, 9 913 ; Cantagrel, 7 538 ; Raspail, 11 470 ; Garnier-Pagès, 14 345 ; Lévy, 7 054.
  3. Thiers, 13 333 ; Devinck, 10 404 ; D’Alton ville, 8714.