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française sait y aider par une habile et persévérante persuasion, les modes de production agricole, chez nos sujets musulmans, se seront, en grande partie, heureusement transformés.

L’évolution qui, chez les indigènes, chez certaines couches du moins, commence à s’effectuer dans l’agriculture, M. Ismaël Hamet s’efforce d’établir qu’on la retrouve également dans le commerce et l’industrie. Que nos sujets musulmans fournissent la plus grande partie de la main-d’œuvre vulgaire aux ateliers européens, on ne peut guère le contester ; les statistiques officielles démontrent, ce que l’on méconnaît souvent, que nombre d’indigènes sont non seulement manœuvres ou ouvriers dans les industries européennes, mais qu’il s’en trouve un chiffre respectable qui sont contremaîtres. Sur 20 535 musulmans occupés aux industries de toute nature, en 1902, on compte 49 surveillans et 97 contremaîtres, dont 21 de ces derniers dans les fabriques de tissus, 11 dans la métallurgie et les ateliers mécaniques, 2 dans les produits chimiques et 1 dans les instrumens de précision. L’École d’apprentissage de Dellys forme des indigènes qui sont mécaniciens ou ajusteurs dans les Compagnies de chemins de fer et les usines électriques. L’esprit arabe, malgré l’oppression de sept ou huit siècles de barbarie, paraît ainsi susceptible de retrouver l’élasticité, l’ingéniosité et l’exactitude qui le caractérisaient dans les temps où l’Europe était elle-même presque barbare.

Ce n’est pas seulement comme subalternes, chargés de la surveillance et de la conduite de groupes d’ouvriers, que certains de nos sujets musulmans commencent à seconder efficacement la direction de nos industries. Il s’en trouve qui s’établissent à leur compte et exploitent des ateliers d’une certaine importance. En laissant de côté les petits métiers vulgaires, comme ceux de loueur de voitures, épicier, charcutier, tous les commerces d’alimentation, il est nombre d’indigènes qui ont des tanneries, des ateliers de charronnage, des manufactures de tabac, dans des proportions qui dépassent les cadres habituels de la petite industrie. Tel exploite à Oran une minoterie à vapeur actionnée par une machine de 35 chevaux et munie de trois paires de meules. Tel autre a été associé et gérant d’une grande quincaillerie à Tlemcen ; un autre encore dirige une quincaillerie à Oran ; un quatrième une tonnellerie importante dans la même ville ; un autre, à Alger, a une scierie mécanique et un atelier de forge ; le cadi