Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/644

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nécessaire. Les cahiers de Champagne nous parlent des prêtres qui, « au grand opprobre du clergé, sont contraints, les uns de travailler en journée, les autres de mendier leur vie. » Quelques-uns labouraient la terre comme fermiers. Tel, pour obtenir 600 fr. de traitement, doit aller jusqu’au parlement de sa province.

Pour que les desservans « ne pussent être empêchés de faire leur devoir par pauvreté et que l’on trouvât des personnes capables, » des édits royaux avaient décrété un minimum de salaire qui leur serait imparti. Cette « portion congrue » devait être, sous Charles IX, de 1.050 fr., sous Louis XIII de 1.000 fr. dans le centre et le midi de la France, de 1500 fr. dans le nord et l’ouest où la vie était plus chère. Louis XIV (1686) la fixa uniformément à 1.000 fr. pour tout le royaume et Louis XV (1768) à 1. 040 fr. Mais cet édit ne fut pas exécuté partout. L’on vit jusqu’en 1789 des « portions congrues » de 600 fr., et beaucoup de curés plaidaient pour obtenir les 1.000 fr. réglementaires ; ce qui prouve qu’ils ne les avaient pas.

Leur situation était en effet très variable : le « gros décimateur, » celui qu’on peut nommer le « curé honoraire, » n’était pas tenu de donner à son remplaçant plus du quart de la dîme, c’est-à-dire 25 pour cent de ce qu’il recevait lui-même. Or il y avait des paroisses où la dîme tout entière ne valait pas plus de 1200 fr. Selon le conseil d’Etat, le prêtre portionné devait abandonner tous les autres produits de la paroisse « sauf le dedans et le creux de l’église » — le casuel — ; selon le parlement, il pouvait jouir des fondations mortuaires et des petites ou vertes dîmes, consistant en légumes et plantes fourragères assimilées. Par cela seul, en ce dernier cas, son traitement se trouvait doublé.

Quelles qu’aient été les différences d’une paroisse à l’autre, et en admettant que ces simples prêtres aient joui au XVIIIe siècle des 1.000 fr. qui leur étaient dus, ils n’avaient pas trop à se louer de l’ancien régime et le montrèrent, au jour du serment du jeu de paume, où l’appoint de leurs députés aux États-Généraux décida du sort de la Révolution.

Ils purent se féliciter l’année suivante, de leur attitude, lorsqu’en échange de la confiscation de ces « biens du clergé, » qui ne leur appartenaient pas, l’Assemblée Constituante vota aux curés de 1790 des traitemens gradués, dont les moins élevés étaient, en monnaie actuelle, de 2.400 fr. Il est vrai que leur satisfaction dût être courte, puisque ces traitemens ne furent jamais payés.