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justes, occupe tous leurs désirs. Les figures de l’Apocalypse se sont évanouies, les ailes se sont repliées, les auréoles se sont éteintes. Des scènes de famille, des heures de recueillement, des sites de solitude, voilà les actions, les momens et les milieux choisis par tous, comme si, d’un bout à l’autre de ces salles immenses, circulait un mot d’ordre tout-puissant et secret.

Dans quel sentiment ces choses-là sont dites, c’est ce que l’examen des précédens salons nous faisait prévoir et ce que ceux-ci ne font que confirmer. C’est de moins en moins dans le sentiment impressionniste. Avenue d’Antin, les très vives et très harmonieuses sonorités de M. Lebasque et de M. Kœnig, de M. Maurice Denis sont des exceptions. L’ombre et la grisaille n’ont cessé d’envahir les toiles contemporaines, gagnant l’une puis l’autre, comme l’ombre, le soir d’un beau jour, gagne les maisons, les coteaux et les montagnes, ont fini par s’étendre, sur la plupart des salles de l’avenue d’Antin, comme une apparence de crépuscule, et triomphent tout à fait dans la salle consacrée à M. Carrière. Le Salon des Champs-Elysées conserve davantage de soleil, et, grâce aux toiles de M. Henri Martin, de M. Olive, de MM. Maurice et Paul Chabas, de M. Cooper, de M. Paulin Bertrand, de M. Bompard, de M. Gagliardini, de M. du Gardier, nous montre encore quelque chose des conquêtes de l’impressionnisme. Mais la plupart des jeunes artistes abandonnent les vifs effets de lumière diffuse pour rechercher, dans les grands partis pris d’ombre, les oppositions que l’impressionnisme avait pensé faire disparaître à jamais.

Cette réaction est regrettable, mais elle est naturelle. S’il était nécessaire de montrer, une fois de plus, que la technique impressionniste, utile et féconde appliquée à certains paysages et à certaines heures du jour, n’est nullement applicable partout et n’est, dans le portrait, qu’un embarras pour l’artiste, il suffirait de regarder, dans la Salle I de l’avenue d’Antin, celui de M. Barrère par M. Besnard. L’artiste est un des meilleurs coloristes de notre temps et certains de ses morceaux sont bien près d’être des chefs-d’œuvre ; mais toute sa finesse d’œil et toute sa virtuosité n’ont pu faire qu’une grande figure, en pied, sous une averse de lumière, dans un milieu très coloré, traitée par la méthode impressionniste, devînt un « portrait. » C’est une admirable harmonie de tons violens, et qui tous, sauf le rouge du grand-cordon de la légion d’honneur, s’accordent parfaitement. Certaines parties sont