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déjà, les radicaux et les socialistes étaient au pouvoir ; mais ils n’y étaient pas sans contrepoids, et ils avaient encore des ménagemens à garder. Ces contrepoids ont disparu, ou du moins leur action s’est si fort affaiblie que les vainqueurs ne la respecteront que s’ils le veulent, et dans la mesure où ils le voudront. Nous les attendons et les jugerons à l’œuvre.


Si nous entrons dans des voies nouvelles, que dire de la Russie ? La Douma, annoncée, attendue depuis si longtemps, s’est réunie le 10 mai. La tâche qu’elle a assumée est immense. Il ne s’agit de rien moins que de faire une révolution par des moyens légaux, ce qui s’est vu rarement dans l’histoire, mais n’est pas impossible à l’heure où nous sommes, si on tient compte de l’expérience des autres, si on ne refait pas leurs fautes, si on échappe à leurs égaremens. Amis de la Russie. — et dans la Russie, nous ne distinguons pas le gouvernement de la nation ; nous n’avons garde surtout de les opposer l’un à l’autre, — nous assistons à ses efforts en témoins attentifs et bienveillans. Nous avons eu trop à nous louer de la politique extérieure du gouvernement russe pour ne pas éprouver à son égard une sympathie profonde. Les affaires diverses que nous avons en commun avec lui, et qui se sont encore multipliées dans ces derniers temps, augmentent notre désir de lui voir surmonter, sans que l’ordre soit violemment troublé, les difficultés avec lesquelles il est aux prises. Mais l’intérêt que nous prenons à la révolution qui se prépare n’est pas moins vif, car elle est indispensable, les derniers événemens l’ont démontré avec évidence, et ce sera l’honneur de Nicolas II de l’avoir non seulement compris, mais admis. Quelque unanime que fût l’opinion à demander la réunion d’une Douma nationale, l’Empereur aurait pu s’y refuser : s’il l’avait fait, sa volonté aurait prévalu pour un temps plus ou moins long. Le rescrit du 30 octobre dernier a montré qu’il était d’accord avec son peuple, et qu’il était prêt à lui donner des représentais. Depuis lors, plus d’une faute a été commise : comment aurait-il pu en être autrement ? Mais le rescrit a reçu son exécution ; les élections ont eu lieu ; la Douma a été formée : pour la première fois on a vu la nation représentée en face du pouvoir autocrate et entrer en collaboration avec lui. Il est difficile d’exagérer, en ce qui concerne la Russie, l’importance de l’événement.

Nous passerons vite sur ceux qui l’ont immédiatement précédé : bien qu’ils soient d’hier, ils semblent appartenir déjà à une histoire plus ancienne. A la veille de la réunion de la Douma, l’Empereur a cru devoir changer du tout au tout le personnel de son gouvernement, et