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prévenus à Madrid, et les élections se firent partout sans encombre. Elles donnèrent la victoire aux progressistes. Les unionistes restèrent importans par le nombre et surtout la valeur des élus (70 à 80). Les républicains et les royalistes y furent représentés, mais en petit nombre. Les Cortès constituées nommèrent président l’alcade Rivero (22 février 1869). C’était une avance de Prim aux républicains jusque-là exclus du gouvernement. Serrano remit ses pouvoirs, qui lui furent immédiatement rendus, et il garda les mêmes ministres. A la suite de la harangue de remerciement du Président, Prim débita un discours qui fit grande sensation : « Bien qu’en politique, dire « toujours » ou « jamais » soit chose aventurée, ma conviction est telle à l’égard de cette dynastie que je la crois tombée pour ne se relever jamais. L’histoire présente des cas de rois déchus, mais aucun analogue au présent, où la dynastie a été rejetée à l’étranger par la force de l’opinion ; de là ma conviction qu’elle ne reviendra jamais, jamais, jamais. Et que ceci serve de réponse à ceux qui, non sans mauvaise intention, m’ont supposé des plans de restauration en faveur de don Alphonse de Bourbon, parce que j’aurais l’ambition de devenir régent. Celui qui a avancé pareille chose ne me connaît pas. Jamais je n’ai eu d’ambition ni d’envie de quelque chose ou de quelqu’un. Et si jamais je n’ai eu d’ambition, j’en aurai moins encore aujourd’hui, où, par ma situation, je n’ai, dans tous les sens, rien à désirer. Si : une seule chose, et celle-là avec toute la véhémence de mon âme : voir le pays constitué et la liberté assurée. »

L’adoption de la monarchie par les Cortès ne faisant aucun doute, Prim eût voulu, pendant que la constitution s’élaborait, avant même qu’elle fût votée, proclamer le roi en même temps que la royauté. Il fallait absolument trouver ce roi. Il se remit en chasse et Olozaga vint de Paris pour le surveiller autant que pour l’aider. Victor-Emmanuel offrit son fils, le Duc d’Aoste. Insatiable, les yeux fixés sur Rome, impatient de s’émanciper de la tutelle française, animé d’une haine personnelle contre les Bourbons, il se complaisait à l’idée de les supplanter, de priver le Pape du secours espagnol et de mettre une entrave aux pieds de la France. Sous prétexte d’arranger des affaires de famille, Cialdini fut envoyé à Madrid. Il gagna Prim, Olozaga, la majorité des membres du ministère, et le reste promit au moins sa neutralité. Tout eût été terminé si le candidat lui-même n’avait opposé un refus qu’on ne