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démolition des fortifications et de cent quatre maisons européennes dont l’ensemble constituait le comptoir. Aux réclamations des propriétaires, la Compagnie aurait objecté que le million, qu’on lui réclamait pour la réédification de ces immeubles, ne devait pas être payé aux impétrans, parce que « la plupart ont été bâtis des vols et rapines qu’on lui a faits. Les mêmes propriétaires sont en état de les rebâtir. Quant aux maisons des noirs qui ont souffert, l’emplacement qu’elles occupent en fait tout le prix… etc. » Je vous cite le texte même de la note conservée dans la famille du fameux courtier.

Sa maison, ainsi que toutes celles des Indiens anciens et modernes, est établie sur le type classique en Orient. Une cour rectangulaire en occupe le milieu. Tout autour courent les galeries sur lesquelles s’ouvrent les chambres. Au fond de la cour, en face de l’entrée, est la porte des appartemens privés, où nul profane ne pénètre. Peu ou point de jours sur le dehors, et encore sont-ils défendus par des grilles à petites mailles, aveuglés par des volets de bois pleins, des moucharabis, des persiennes à lames serrées. L’air et la lumière viennent de l’espace central, de l’atrium pour employer l’expression des architectes latins. Les piliers qui soutiennent les corbeaux des galeries présentent leurs chapiteaux en T, suivant les traditions de l’Assyrie et de la Perse. Certains sont assez finement sculptés, tout comme le cadre de la porte extérieure. Aux murs, blanchis à la chaux, sont suspendues des peintures contemporaines de Louis XV. Voici le portrait d’Ananda lui-même, en costume de cérémonie. Au cimeterre près qui garnit sa ceinture, le Diwan de Dupleix est vêtu comme le marié, beau-frère de Naranyassamy, dont je vous parlais récemment : Même turban, même tunique blanche. Sa physionomie est lourde, grave et sournoise. On sent tout ce que ce gros homme devait posséder de dissimulation, de prudence humaine, comme on dit. Autour de lui s’alignent les parens, les descendans, les alliés, les amis, pareillement vêtus de blanc. Et c’est tout ce qu’il y a à voir dans ce logis où les meubles manquent. Quelques consoles en bois de shisham, repercé, ciselé, ouvrages de Bombay tels qu’on en fabrique encore, supportent des statuettes peintes. La confection de ces petits objets est encore aujourd’hui une branche du commerce pondichéryen. Mais les figurines que je vois là, ont, pareilles en cela à toutes les œuvres bien exécutées, gagné avec le temps. Les couleurs